Président : TERRASI Lidia, Avocat au barreau de Mons, médiateur familial agréé, avocat collaboratif, membre de la commission famille avocats.be
Intervenants :
- BOUDART Anne-Marie, Avocat spécialiste en droit de la famille, médiateur familial agréé, avocat collaboratif, formateur en médiation et en droit collaboratif
- SCHELLEKENS Véronique, Avocat, Médiateur familial agréé, Auditrice d’enfant, Accompagnement à la (Co)parentalité, Coordinatrice de l’ASBL Parentsandcom, expert auprès du Tribunal de la famille de Dinant
- LEROY Caroline, Juge de la famille auprès du Tribunal de Première Instance du Hainaut, Division de Mons
Rapporteur : KIABU Gyllen, Avocat au barreau de Dinant, avocat collaboratif, membre de la commission famille AVOCATS.BE
Les évolutions sociétales importantes vécues ces dernières décennies telles que le recul des valeurs partagées par un plus grand nombre, la déhiérarchisation de la société, la crise de la justice avec l’inadéquation des réponses judiciaires, l’évolution de la fonction du Juge, l’évolution des familles ont entraîné des changements sociétaux fondamentaux et avec lui des modifications substantielles dans le rôle de l’avocat
Face aux difficultés auxquelles les familles sont confrontées, l’avocat doit pouvoir à assister son client vers l’adoption des meilleures décisions possibles.
Il ne peut plus être seulement un expert en droit, on attend de lui qu’il soit également un expert en résolution des litiges.
Dans cette optique, on attend de lui qu’il identifie les besoins de son client, qu’il déploie de la créativité pour les rencontrer et créer de la valeur ajoutée pour le client par le biais de son intervention.
L’avocat 3.0 est celui qui va déployer les outils multidisciplinaires pour permettre aux clients de prendre les meilleures décisions possibles.
Il est ainsi amené à acquérir de nouvelles compétences et à jongler avec la pluridisciplinarité.
Anne-Marie BOUDART a partagé plusieurs outils issus de différents enseignements, afin de permettre à l’avocat 3.0 de conseiller et d’aider au mieux son client : des outils issus des neurosciences (notamment pour la gestion des émotions du client) , de la PNL (programmation linguistique) pour faire « biaiser » nos biais cognitifs ou encore des outils afin d’appréhender la situation du client de manière holistique dans le grand intérêt des enfants et des familles.
La pratique interdisciplinaire ouvre la porte à un panel de nouveaux outils permettant de répondre aux conflits familiaux parmi lesquels l’expertise collaborative, dont nous parlera Véronique SCHELLEKENS.
Ce type d’expertise est né de la nécessité de la prise en compte de l’impact du conflit familial sur les enfants, impact qui peut amener ceux-ci à choisir un camp au détriment de l’autre et à créer ainsi une rupture totale du lien. Dans ce type de cas, l’avocat doit pouvoir choisir le bon outil en fonction de la problématique rencontrée par les familles.
L’expertise collaborative met en présence les parents et un expert judiciaire (thérapeute, psychologue, avocat, etc…) chargé de les accompagner dans le cadre d’un haut conflit.
L’expert va entamer un suivi régulier des parents et des enfants.
L’expert va émettre des rapports intermédiaires réguliers au tribunal afin que celui-ci puisse rester au fait de l’évolution de la situation et puisse s’assurer de la collaboration des parents.
Ladite expertise nécessite la collaboration des deux parents, mais également une articulation des professionnels en présence à savoir le juge, l’expert, les avocats.
À côté de l’expertise collaborative, l’avocat peut aussi proposer un autre outil à savoir l’expertise audition de l’enfant.
Comme l’a détaillé Véronique SCHELLEKENS, celle-ci trouve sa justification dans l’article 12 de la Convention internationale des droits de l’enfant comme dans l’article 22 de la constitution belge ou encore dans le règlement Bruxelles II ter.
L’idée de cette expertise est de permettre à l’enfant de participer à la décision sans lui faire endosser la responsabilité de la décision.
Ce type d’expertise peut être ordonné lorsque le magistrat ne s’estime pas suffisamment outillé que pour procéder lui-même à l’audition d’enfants ce qui sera souvent le cas lorsqu’il s’agit d’enfants en dessous de 10-11 ans.
L’expertise audition de l’enfant permet de restituer la parole de l’enfant aux deux parents en même temps et aide l’enfant à s’exprimer sans être instrumentalisé.
Autre outil possible pour l’avocat 3.0 dans le cadre interdisciplinaire : l’audition amiable.
Celle-ci résulte du constat que très souvent lorsque les parents se séparent de manière non contentieuse, par exemple dans le cadre d’un divorce par consentement mutuel, l’enfant n’a pas son mot à dire.
Véronique SCHELLEKENS, elle-même Auditeur, nous enseigne que l’audition amiable permet de respecter le prescrit de la loi du 28 mars 2024 en veillant à rapporter la preuve par l’audition de l’enfant de la manière dont l’intérêt de celui-ci a été pris en compte lors de l’adoption des mesures le concernant.
L’audition amiable est pratiquée par un auditeur d’enfants à savoir un professionnel formé à l’écoute du mineur. Celui-ci est un tiers neutre indépendant qui peut venir par son expertise soutenir le travail des avocats en négociation, dans le cadre d’un processus de droit collaboratif ou d’une médiation.
L’avocat 3.0 est donc un avocat Interconnecté.
L’interdisciplinarité amène l’avocat à voir une plus grande collaboration avec le magistrat dans le cadre de la judiciarisation des dossiers.
Cette collaboration avec les avocats a amené de nombreux tribunaux à retravailler la réponse à apporter au conflit familial. Ce fut le cas à Dinant avec le modèle de consensus, à Anvers, à Tongres ou encore à Mons par exemple.
Au tribunal de la famille du Hainaut division Mons le système de concertation familiale a été instauré depuis un an. Cette pratique a été présentée par Madame Caroline LEROY.
Ce système est né du constat que les délais de fixation étaient beaucoup trop longs et que durant ce délai des situations de crise pouvaient se cristalliser.
Par ailleurs, l’instauration de l’article 444 du code judiciaire a conféré aux avocats une nouvelle posture à adopter face au conflit familial consistant à informer leur client de tous les modes possibles de règlement de conflit, d’orienter le dossier vers le mode le plus adapté à la situation familiale et personnelle de leur client et de tenter l’amiable en priorité dans les cas appropriés.
Sur base de ces constats, le système de concertation familiale met en place une collaboration entre le Barreau et la magistrature consacrée au sein d’un protocole.
Comme précisé par Madame LEROY, la mise en place d’un tel système nécessite un dialogue régulier ainsi que l’existence d’un cadre d’écoute et de confiance réciproque entre le Barreau et les Tribunaux.
Cette nouvelle pratique a entraîné à Mons une réorganisation des chambres avec l’installation d’une chambre d’introduction dans laquelle le magistrat a la possibilité d’acter très rapidement un cadre minimum sollicité par les parties à l’aide de leurs avocats dans les hypothèses non conflictuelles et de réorienter vers une chambre de traitement (de fond), une chambre de règlement amiable ou encore en médiation ou tout autre dispositif utile (expertise collaborative, négociation,.. ) pour la suite du dossier.
Ce système permet une grande flexibilité dans l’orientation qui peut être donné à un litige familial en fonction de son évolution. Il permet de conférer à la fois une réponse rapide ainsi qu’une résolution « pas à pas » .
Le magistrat et les avocats ont également la faculté d’effectuer un premier tri des situations d’urgence et de renvoyer les causes urgentes devant une chambre d’urgence qui siège à très brève échéance après l’audience d’introduction et qui statue à tout aussi brève échéance.
Le modèle de concertation familiale montois est fondé sur la participation des parents et leur responsabilisation.
Dans ce travail collectif l’Avocat aide le client vers l’adoption de la meilleure décision possible et est appuyé en ce sens par le magistrat qui vérifie les tentatives amiables qui ont été réalisées afin d’apporter une solution conflit.
Ce système a nécessité une réorganisation du tribunal avec une Magistrature rompue à la collaboration avec le Barreau qui va veiller à la sérénité des débats mais également à la fixation pour les Avocats de temps de plaidoiries précis en fonction des dossiers.
Ce système s’appuie sur une interdisciplinarité importante tant avec le barreau qu’avec des acteurs de terrain tels que par exemple, des services DIAPE qui permettent par exemple de réaliser les transitions des enfants entre les parents dans des hypothèses de très haut conflit avec un risque de violence conjugale.
Quelques enseignements pour la pratique professionnelle
Bonne pratiques, outil concret ou point d’attention pour le quotidien de l’avocat, du juge, du notaire, du médiateur familial, …
L’avocat 3.0 a opéré sa mue de l’avocat guerrier vers l’avocat pacificateur. Il diagnostique les difficultés, assiste son client dans la recherche de la meilleure décision possible dans l’intérêt de la famille au moyen de multiples outils (expertise collaborative, thérapeutique, expertise audition d’enfant, audition amiable), outils nécessitant un travail d’équipe avec les autres professionnels gravitant autour des familles.