Agir contre un confrère…où sont les pièges ?

A chaque livraison de la Tribune, nous tenterons de vous rappeler certains principes de déontologie par des exemples pratiques.

Il ne s’agira pas de faire le tour du sujet mais de porter à votre attention un point particulier de nos règles.

Aujourd’hui, l’action contre un confrère….

1. Le cas

Un avocat est chargé par sa cliente de citer une personne en vue du recouvrement de sommes impayées.

L’avocat poursuivant vérifie, par acquis de conscience, que le débiteur n’est pas un confrère.

Sur les listes disponibles, cela ne semble pas être le cas.

Or, il s’avère par la suite que le débiteur possède la qualité d’avocat honoraire…

Fallait-il aussi passer préalablement par le filtre du bâtonnier ?

2. Les éléments de réponse

Eh bien oui, aussi étrange que cela puisse paraître !

Le code de déontologie, en ses articles 6.35 et 6.37, précise que l’avocat qui a reçu mandat d’introduire une procédure contre un avocat, y compris honoraire, de son barreau ou contre ses ayants droit, ou contre l’assureur responsabilité civile professionnelle, communique au préalable à son bâtonnier le projet d’acte introductif d’instance ou de plainte. 

Comme vous le constaterez, le code de déontologie va très loin puisqu’il précise que cette obligation existe même dans le cadre d’une action contre les ayants droit de l’avocat.

La plus grande prudence s’impose donc et il est utile d’opérer, en cas de doute, des vérifications auprès de l’Ordre auquel appartenait le débiteur.

De manière générale, l’utilité du filtre du bâtonnier est expliquée au sein même de l’article où l’on peut lire que cette communication permet au bâtonnier d’exercer son rôle de conciliation, de faciliter la solution du litige, de suggérer, de l’accord de l’avocat concerné, le recours à la requête conjointe, d’apprécier l’opportunité des termes utilisés, de différer la procédure, et d’exercer sa mission de surveillance, sans que les droits des créanciers de l’avocat puissent être compromis. La même règle s’applique lorsqu’une demande incidente est formée. 

Vous noterez également que certains ordres interdisent à un avocat de citer un avocat du même barreau.

Soyez attentifs au fait que ces règles ne s’appliquent pas aux mandataires de justice lorsqu’ils sont cités en cette qualité, sauf si leur responsabilité est mise en cause.

Quand il y a lieu d’agir contre un confrère d’un autre barreau, vous veillerez à communiquer au préalable à votre bâtonnier le projet d’acte introductif d’instance ou de plainte et vous n’oublierez pas de réserver une copie de votre envoi au bâtonnier du barreau auquel est inscrit le confrère mis en cause

Vous ne pourrez en tout état de cause citer qu’après un délai d’un mois mais en cas d’urgence vous pourrez solliciter une réduction de ce délai.

Avant de procéder à une exécution forcée, la même démarche est requise.

S’il advenait que la citation soit lancée par le client directement mais qu’un avocat intervienne ensuite, ce dernier informe son bâtonnier de la procédure entamée et réserve copie de sa lettre, le cas échéant, au bâtonnier de l’avocat mis en cause. 

Un cas plus épineux pour terminer.

Dans les contentieux dits « de recouvrement de masse », les huissiers font parfois partir les citations en toute « autonomie ».

Ils indiquent un avocat comme conseil des demandeurs lequel ne vérifie pas toujours que la partie adverse est elle-même avocat. 

Les avocats, conseils des créanciers, répondent qu'ils demandent à leurs huissiers de vérifier, mais qu’ils ne le font pas toujours.

Notons à leur décharge que, sauf erreur, la profession n'est plus indiquée sur le registre national.

Ceci étant, il y aurait donc violation par l'avocat des articles 6.35 ou 6.37 du code de déontologie.

Les conséquences sont rudes pour tout le monde car, si ces articles avaient été respectés, l'avocat cité aurait pu se limiter à payer la redevance réclamée.

Comme cet article n'est pas respecté, le cité doit en outre payer des frais d’huissier et une indemnité de procédure.

Je vous invite donc à être prudents car, dans la mesure où une faute déontologique était constatée dans le chef de l'avocat qui a cité, nos autorités ordinales pourraient se poser la question de savoir si cet avocat ne serait éventuellement pas tenu d’assumer personnellement ces frais évitables.

Jean-Noël BASTENIERE
Avocat au barreau du Brabant Wallon
Membre de la commission déontologie

A propos de l'auteur

Jean-Noël
Bastenière
Avocat au barreau de Brabant wallon

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