Fiche n°1
Initiation en droit européen. Le droit européen pour les nuls
Le droit européen : de quoi parle-t-on ?
La question est pertinente car en réalité on parle de deux branches distinctes à ne pas (plus) confondre :
1. Le droit de l’Union européenne
D’une part, le droit de l’Union européenne qui est le droit produit au départ du traité de Rome du 25 mars 1957 fondateur de la Communauté économique européenne (C.E.E.) et par les traités et institutions qu’il a créées.
En 1993, avec le Traité de Maastricht, la C.E.E. s’est élargie quant à son objet (plus seulement « économique » mais aussi politique (pol-éthique car axiologique) et a changé de nom pour devenir la Communauté européenne (C.E.). Elle a ensuite été rebaptisée « Union européenne » après l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne.
Ses bras judiciaires sont le Tribunal et la Cour de Luxembourg. Ses textes fondateurs ont été adaptés et actuellement codifiés sous les intitulés T.U.E. (Traité de l’Union européenne) et T.F.U.E. (Traité sur le fonctionnement de l‘ Union européenne).
2. Le droit du Conseil de l’Europe
D’autre part, le droit du Conseil de l’Europe.
Le Conseil de l’Europe est une autre institution qui fut fondée par le Traité de Londres du 5 mai 1949, qui a produit un large éventail de normes (soft ou hard law), chartes et conventions internationales (plus de 200 !) destinées à faciliter la coopération entre les pays membres et à renforcer la coopération européenne.
Sa production « phare » est la fameuse Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (C.E.D.H.) et ses protocoles additionnels.
Son bras judiciaire est la C.E.D.H., c’est-à-dire la Cour européenne des droits de l’homme ou Cour de Strasbourg.
Ces quelques lignes ne rendent pas justice au Conseil de l’Europe, dont l’action mériterait assurément d’être beaucoup mieux connue. Pour un aperçu plus explicite, voir le rapport du Secrétaire général du Conseil de l’Europe 2025 : https://edoc.coe.int/fr/rapports-annuels-d-activite/12195-vers-un-nouveau-pacte-democratique-pour-leurope-rapport-annuel-du-secretaire-general-du-conseil-de-l-europe-2025.html
Vous serez surpris du nombre et de la qualité de ses actions.
De surcroît, le droit belge s’est bien souvent avantageusement (mais discrètement) nourri des travaux du Conseil de l’Europe.
À titre d’exemple, le régime belge de la protection des incapables majeurs -matière a priori bien étrangère au droit européen (!) - doit beaucoup à la soft law du Conseil de l’Europe (les Recommandations R(99)4 [1] qui sont le fruit du partage des expériences et études menés par des experts des différents pays membres du C.E.).
3. Deux institutions bien distinctes, mais complémentaires
Ces deux institutions (U.E. et C.E.) sont bien distinctes[2], disposent de leurs règles propres[3] et ne sont pas composées des mêmes Etats[4], mais elles partagent des objectifs communs, ce qui les amène à diverses formes de collaboration[5].
À l’origine, la Communauté européenne (aujourd’hui l’Union) était construite sur des bases essentiellement économiques (charbon, acier, énergie atomique, libre circulation, concurrence), mais la Cour de Luxembourg a naturellement été assez vite conduite à reconnaître comme principes généraux du droit communautaire les droits et libertés de la C.E.D.H.
La tendance s’est accentuée avec les traités de Maastricht (1992) puis d’Amsterdam, notamment dans la perspective de l’adhésion de nouveaux états (pays de l’Est), moins coutumiers des droits et libertés fondamentales, puis avec l’adoption de la Charte des droits fondamentaux, proclamée à Nice en 2000, qui a acquis une force juridique contraignante avec le traité de Lisbonne (art. 6 § 3 du T.U.E.) qui lui donne explicitement la même valeur juridique que les traités.
Pour une approche simple et synthétique, voir « le droit européen » dans la collection « Que sais-je » n°4263. (ISBN : 978-2-7154-1371-9).
Alors que ces deux branches n’obéissent pas toujours aux mêmes règles (traités différents), ensemble, le droit de l’Union européenne et les productions du Conseil de l’Europe forment ce qu’on appelle le « droit européen ».
Les nationalistes n’aiment pas l’Europe, et leurs critiques visent souvent indistinctement « l’Europe » … sans qu’on sache de quoi ils parlent. Le savent-ils eux-mêmes ?
Vincent Colson
Avocat au barreau de Verviers
[1] « la protection extrajudiciaire et judiciaire des majeurs vulnérables, actes du XVIe colloque de l’Association « Famille & Droit » Louvain-la-Neuve 18 novembre 2021, coord J. SOSSON, Larcier 2021, p. 24 et s.
[2] Vos ne commettrez donc plus l’erreur de penser que « Conseil de l’Europe » et « Conseil européen » ne se différencient que grammaticalement alors que le « Conseil européen » est un organe de l’Union européenne qui rassemble les chefs d’Etat et de Gouvernement des Etats membres et qui était jusqu’il y a peu présidé par notre compatriote Charles MICHEL(entre 2019 et 2024) après un autre belge Herman VAN ROMPUY(entre 2009 et 2014) et doit être bien distingué du « Conseil de l’Europe ».
[3] Ce qui rend impossible un exposé unique des principes essentiels des deux volets du droit européen( droit de l’Union et droit du Conseil de l’Europe)
[4] 46 Etats Membres pour le conseil de l’Europe ». Par exemple, jusqu’à la récente nouvelle guerre d’agression de l’Ukraine par la Russie (24/02/2022), cette dernière était membre du Conseil de l’Europe (même si son admission, contrairement à sa sortie, fut une longue saga) mais son adhésion à l’Union Européenne est aujourd’hui évidemment à proprement impensable).
[5] Louis Van Bunnnen, « la contribution de la Cour de justice de l’union européenne à la protection des droits de l’Homme et la question du port du voile islamique » in R.C.J.B. 2018, p. 91 et s.