La femme a le droit de monter sur l’échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la Tribune ![1]
Le 8 mars.
Un triste constat pour certain·es.
Une journée festive pour d’autres.
Un moment qui dérange pour les privilégié·es.
Une date essentielle pour beaucoup !
Cette journée internationale des droits des femmes, née des luttes ouvrières et féministes du XXe siècle, est officialisée par les Nations Unies en 1977. Elle nous rappelle chaque année une réalité incontournable : l’égalité entre les femmes et les hommes n’est pas acquise. Elle nous invite à mesurer les progrès accomplis, mais surtout à ne pas détourner le regard des inégalités persistantes.
Pour 2025, ONU Femmes[2] a choisi un message fort : « Pour TOUTES les femmes et les filles : droits, égalité et autonomisation. » Un appel à l’action pour garantir que chaque femme et chaque fille puisse exercer pleinement ses droits, sans exclusion ni discrimination.
Cette édition marque également le 30ᵉ anniversaire de la déclaration et du programme d’action de Beijing, cadre fondateur en matière de promotion des droits des femmes à travers le monde. Un rappel que ces enjeux restent d’une actualité brûlante, y compris dans le monde juridique, et plus particulièrement dans la profession d’avocat·e.
Une profession en pleine évolution, mais encore marquée par des inégalités
Si la féminisation des barreaux est indéniable, elle ne garantit pas pour autant l’égalité de traitement. L’accès aux postes à responsabilité, les écarts de rémunération et la conciliation entre vie professionnelle et personnelle demeurent des défis majeurs.
Les chiffres sont sans appel : selon le dernier baromètre des revenus des avocat·es (2021-2023), une avocate non-administratrice perçoit en moyenne 43.622,99 € à Bruxelles, contre 78.992,83 € pour un confrère de même statut. En Région wallonne, l’écart est encore plus flagrant, avec 30.500,84 € contre 42.786,03 €[3]. Des différences inacceptables, d’autant plus qu’elles ne reposent sur aucune justification objective.
Mais au-delà des statistiques, ce sont les réalités quotidiennes qui pèsent sur les femmes : une charge mentale accrue, des responsabilités familiales encore trop largement assumées par elles, des discriminations persistantes et des violences systémiques qui freinent leur progression.
Construire un barreau plus inclusif : quelles solutions ?
Face à ce constat, la commission égalité-parité d’Avocats.be a identifié plusieurs pistes d’actions :
- Accroître la visibilité des femmes dans la profession : intégrer davantage de figures féminines dans les publications officielles, renforcer la présence des avocates dans les instances déontologiques et de formations, sensibiliser le barreau aux discriminations persistantes, et promouvoir un langage plus inclusif ;
- Mieux accompagner la maternité et la parentalité : adapter les cotisations sociales et ordinales, négocier des protections renforcées auprès des assureurs et interpeller les pouvoirs publics sur ces enjeux ;
- Œuvrer en faveur d’une réelle parité : instaurer des quotas équilibrés au sein des instances ordinales des barreaux, à l’image des pratiques déjà mises en place dans certains arrondissements judiciaires ;
- Etablir un état des lieux des inégalités de genre : réaliser un sondage approfondi sur la situation des femmes avocates, notamment en ce qui concerne la répartition des dossiers, l’attribution des honoraires, et les disparités de carrière en fonction du genre ;
- Réduire l’écart salarial : sensibiliser la profession quant aux discriminations financières et mettre en place des outils d’évaluation transparents garantissant une rétribution plus équitable.
Journée internationale des droits des femmes : un engagement, pas un symbole
La journée internationale des droits des femmes ne peut se réduire à un simple symbole, ni être détournée en une célébration qui laisserait entendre que les femmes bénéficient des mêmes privilèges que leurs homologues masculins.
Il suffit d’observer le monde qui nous entoure pour comprendre que le chemin vers l’égalité demeure un combat inachevé. Les reculs observés dans certains États rappellent que les droits acquis ne sont jamais définitifs. Il ne suffit donc pas d’attendre que la situation s’améliore d’elle-même. Il est impératif d’agir, de questionner nos pratiques et de mettre en place des mesures concrètes pour garantir une égalité réelle.
Parce que l’égalité ne se décrète pas, elle se construit ! Et c’est ensemble que nous devons la défendre[4].
Comme l’écrivait Simone de Beauvoir : « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. »
À nos consœurs: affirmez-vous, revendiquez vos droits, visez les postes de décision !
À nos confrères : soyez des alliés, interrogez vos pratiques et engagez-vous activement pour une égalité réelle !
Construisons ensemble un barreau qui incarne les valeurs d’inclusivité et de justice que nous défendons au quotidien. Ce n’est qu’en prenant des mesures concrètes aujourd’hui que nous garantirons un avenir où chaque femme et chaque fille pourra pleinement s’épanouir dans la profession comme ailleurs.
Pour la Commission Egalité d’AVOCATS.BE
Hanna Bouzekri
Sophie Huart
Melissa Sayeh
[1]Olympe de Gouges,Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, 1791, Article X : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, mêmes fondamentales ; la femme a le droit de monter sur l’échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la tribune : pourvu que ses manifestations ne troublent pas l’ordre public établi par la Loi ».
[2] Entité des Nations Unies consacrée à l’égalité des sexes et à l’autonomisation des femmes, aborde le thème de la journée internationale des droits des femmes 2025 sous le slogan : « Pour TOUTES les femmes et les filles : droits, égalité et autonomisation ».
[3] Situation au 31 décembre 2023, pour les activités principales selon le document « 13905-Revenus moyens des avocats à titre principal par région et genre (2021-2023) » communiqué par l’INASTI et fondé sur les données officielles du SPF FINANCES en tenant compte des revenus professionnels annuels bruts, diminués des dépenses et charges professionnelles, et le cas échéant, des pertes professionnelles, fixés conformément à la législation relative à l'impôt sur les revenus. La répartition géographique des affiliés au statut social des travailleurs indépendants est réalisée selon le lieu du domicile.
[4] Hannah Arendt nous rappelle que l’égalité de condition n’est pas donnée et qu’elle doit être conquise et défendue par l’action politique collective.