Du côté des institutions européennes - octobre 2021

L’O.C.D.E. organise un atelier sur les barrières réglementaires à la concurrence dans les services professionnels (dont les services des avocats) en vue d’améliorer les indicateurs qu’elle a arrêtés en 2018 pour mesurer les entraves à la concurrence.
La Belgique a reçu deux lettres de mise en demeure de la Commission, pour mauvaise transposition de directives protégeant des droits dans le cadre de procédures pénales. 
La commission parlementaire LIBE demande la création d’un poste d’officier aux droits fondamentaux et la supervision d’Europol par le superviseur européen de protection des données. 
La cour constitutionnelle polonaise a rendu un arrêt dans lequel elle juge que l’ensemble de la législation polonaise prime sur le droit européen. 

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I. PROFESSION D’AVOCAT

  • O.C.D.E. - Atelier sur les barrières réglementaires à la concurrence dans les services professionnels – 18 et 19 novembre 2021

Les 18 et 19 novembre 2021, l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (O.C.D.E.) organise un atelier en ligne qui portera sur les barrières réglementaires à la concurrence dans les services professionnels, dont les services des avocats. 

Pour rappel, partant du postulat qu’une application efficace des lois et une réforme économique fondée sur la concurrence favorisent la croissance et l’emploi, l’O.C.D.E. encourage activement les gouvernements à combattre les pratiques anticoncurrentielles et promeut dans le monde entier une réforme axée sur le marché. Depuis 1998, l'O.C.D.E. a d’ailleurs élaboré une série d'indicateurs de réglementation des marchés de produits (Product Market Regulation – P.M.R.), tant pour l'économie dans son ensemble que pour divers secteurs particuliers. L’O.C.D.E. considère que ces indicateurs lui permettent d'évaluer dans quelle mesure les politiques publiques favorisent ou entravent la concurrence sur les marchés de produits. Elle les utilise pour comparer la position des pays en termes de réglementation des services professionnels et pour faire des liens entre les pratiques réglementaires et les prestations économiques des Etats.  

Cet atelier sur les barrières réglementaires à la concurrence a pour objectif de permettre à l’O.C.D.E. d’améliorer la version 2018 de ses indicateurs P.M.R., qui lui servent à mesurer la façon dont les réglementations entravent ou favorisent la concurrence sur les marchés des services.

Malheureusement, obnubilée par la théorie classique du développement et de la croissance économique, l’O.C.D.E. s’obstine à se limiter à la valeur économique que représente la profession d’avocat en omettant de considérer que celle-ci participe – comme les autres acteurs du système judicaire - à la garantie de l’état de droit et à la confiance des investisseurs dans un système juridique crédible … et que nos quelques règles déontologiques (par ailleurs passées au crible du test de proportionnalité) visent à garantir cet intérêt général.

 

II. INSTITUTIONS ET QUESTIONS EUROPENNES

  • Nouvel organisme chargé des questions d’éthique – Résolution du Parlement - 16 septembre 2021

Lors de la session plénière de septembre 2021 du Parlement européen, les eurodéputés ont adopté une résolution sur la création d’un nouvel organisme européen indépendant chargé des questions d’éthique pour le Parlement et la Commission. Selon le texte, ce nouvel organisme pourrait être consulté sur les règles éthiques applicables aux membres de la Commission et aux eurodéputés avant, pendant et même parfois après leur mandat ou carrière au sein des institutions européennes. Cet organisme devrait être créé par le biais d’un accord institutionnel entre le Parlement et la Commission.

 

III.    DROITS HUMAINS

  • Commission – Discours sur l’état de l’U.E. – Protection des journalistes – Adoption d’une recommandation - 15 septembre 2021

Le 15 septembre 2021, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen a présenté son discours sur l’état de l’U.E. devant le Parlement. Elle a exposé une recommandation pour une meilleure protection des journalistes, à la fois en ligne et hors ligne, afin qu’ils puissent travailler à l’abri de la peur, des menaces, ainsi que des SLAPPs (Strategic lawsuits against public participation – procédures bâillons). Dans ce document, la Commission recommande notamment aux Etats membres de mettre en place une assistance juridique pour les journalistes en danger. 

Par ailleurs, le 14 octobre 2021, la commission LIBE du Parlement européen a adopté un rapport « sur le renforcement de la démocratie ainsi que de la liberté et du pluralisme des médias dans l’U.E. : l’utilisation abusive d’actions au titre du droit civil et pénal pour réduire les journalistes, les O.N.G. et la société civile au silence ». Ce rapport, qui demande l’instauration de critères objectifs afin d’identifier et de mettre fin aux procédures SLAPPs dès qu’elles sont introduites, devrait être soumis au vote lors de la session plénière de novembre 2021. 

  • Liberté des médias et état de droit en Pologne – Résolution du Parlement – 16 septembre 2021

Lors de la session plénière de septembre 2021 du Parlement européen, les eurodéputés ont adopté une résolution sur la liberté des médias et une nouvelle détérioration de l’état de droit en Pologne, qui constate entre autres l’utilisation de SLAPPs pour réduire la société civile au silence. Dans sa résolution, le Parlement rappelle la primauté du droit de l’U.E. et demande à la Commission de déclencher le mécanisme de conditionnalité du budget européen au respect de l’état de droit. 

  • Accès à un avocat – Interprétation lors du procès – Lettres de mise en demeure à l’encontre de la Belgique - 23 septembre 2021

Le 23 septembre 2021, la Commission a envoyé à la Belgique deux lettres de mise en demeure concernant des droits dans le cadre des procédures pénales : 

  • Une lettre de mise en demeure reprochant à la Belgique de ne pas avoir correctement transposé la directive 2013/48/UE relative au droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales. En l’espèce, la Commission reproche à la Belgique d’avoir aménagé des dérogations trop étendues au droit d’accès à un avocat et au droit à l’information d’un tiers en cas de privation de liberté. 
  • Une lettre de mise en demeure demandant à la Belgique de transposer correctement la directive 2010/64/UE relative au droit à l’interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures pénales. Cette directive garantit le droit pour les personnes faisant l’objet d’une procédure pénale de recevoir gratuitement des services d’interprétation dans une langue qu’elles comprennent. La Commission a relevé des lacunes dans la transposition de la directive en Belgique, notamment concernant le droit à la traduction de certains documents essentiels, et le droit à l’interprétation des échanges entre la personne suspectée et son avocat. 

    La Belgique a deux mois pour se conformer aux demandes de la Commission. 
     
  • Violence de genre comme nouveau domaine de criminalité – Résolution du Parlement – 16 septembre 2021

Le Parlement a adopté une résolution sur l’identification de la violence fondée sur le genre comme un nouveau domaine de criminalité. Avec ce texte, il propose une nouvelle base juridique visant à prévenir et à combattre toutes les formes de violence fondée sur le genre, tant en ligne qu’hors ligne. Le Parlement propose ainsi de mettre en œuvre les standards de la Convention d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. 

  • Accès à la justice en matière d’environnement - Résolution sur la modification du règlement Aarhus – 5 octobre 2021

Les eurodéputés ont adopté formellement la position du Parlement sur la proposition de modification du règlement d’Aarhus sur laquelle un accord avait été trouvé en trilogue avec le Conseil.
Pour rappel, cet accord élargit les possibilités d’action en justice en matière d’environnement entérinées dans la Convention Aarhus : les O.N.G. ne seront plus les seules à pouvoir introduire un recours environnemental. En effet, sous certaines conditions, des personnes privées pourront dorénavant demander le réexamen d’un acte administratif. 
Le texte doit encore être formellement approuvé par le Conseil, avant d’être publié. 

 

IV.    NUMERISATION ET PROTECTION DES DONNEES

  • Proposition d’amendement du règlement Europol – Adoption d’un rapport par la commission LIBE - 15 octobre 2021

Le 15 octobre 2021, la commission LIBE a adopté un rapport sur la proposition de modification du règlement Europol. Pour rappel, la Commission avait publié le 9 décembre 2020 une proposition de règlement modifiant le règlement Europol, qui envisageait notamment une plus grande coopération entre Europol et des parties privées, afin d’échanger de larges volumes de données et de les analyser.

Afin de contrebalancer les plus grands pouvoirs qui seraient accordés à Europol, la commission LIBE défend la création d’un poste d’officier aux droits fondamentaux au sein d’Europol, officier qui serait formé et assigné à la surveillance du respect des droits humains. La commission LIBE défend également la supervision de certaines activités d’Europol par le superviseur européen de protection des données.

De son côté, en septembre 2021, le Conseil avait adopté sa position, défendant un échange accru de données entre Europol et des parties privées. 

La position du comité LIBE doit être approuvée par le Parlement en séance plénière, avant que le Parlement et le Conseil puissent entamer les négociations sur ce dossier. 

  • Commission - Forum ministériel sur la justice numérique – Intervention du C.C.B.E. – 12 octobre 2021

A l’occasion d’un forum sur la justice numérique organisé par la Commission, le C.C.B.E. a pu exprimer son avis sur la numérisation de la justice. La présidente du C.C.B.E. y a rappelé les dangers liés à l’utilisation de l’intelligence artificielle par le pouvoir judiciaire et mis en garde contre les risques élevés de discrimination par ces systèmes. Elle a aussi rappelé que la numérisation de la justice n’était pas une fin en soi et a insisté sur le besoin de conserver une justice transparente, indépendante et centrée sur l’humain. 

  • Protection des données – Le Parlement adopte un mandat de négocier – 16 septembre 2021

Les eurodéputés ont adopté un mandat de négociations interinstitutionnelles sur la proposition de directive modifiant la directive 2014/41/UE pour l’aligner sur les règles européennes relatives à la protection des données à caractère personnel, et ainsi avoir un cadre européen de protection des données cohérent. 

Lors de la même session plénière d’octobre 2021, les eurodéputés ont adopté une résolution sur l’utilisation de l’intelligence artificielle par les autorités policières et judiciaires dans les affaires pénales. Même si le Parlement reconnait les avantages que l’I.A. pourrait apporter, il rappelle que de nombreux risques subsistent, notamment au regard du respect des droits humains, de la surveillance de masse et du traitement des données personnelles. 


V.    MIGRATION

  • Migration et asile – Adoption par la Commission d’un rapport et d’un plan d’action contre le trafic de migrants – 29 septembre 2021

Le 29 septembre 2021, la Commission a publié un rapport sur la migration et l’asile ainsi qu’un plan d’action renouvelé de l’U.E. contre le trafic de migrants. Le rapport fait état des principales évolutions en matière de migration et d’asile, tandis que le plan d’action est destiné à prévenir l’exploitation des migrants ainsi que l’immigration irrégulière. Dans ces documents, la Commission invite le Parlement et le Conseil à accélérer la procédure législative sur le sujet. 

Pour rappel, le 23 septembre 2020, la Commission avait publié un nouveau pacte pour la migration et l’asile, dont l’objectif est de promouvoir une gestion durable et ordonnée des migrations. 

 

VI.    DEVELOPPEMENT DURABLE

  • Droit à un environnement sain – Adoption d’une recommandation de l’A.P.C.E. - 13 septembre 2021

Le 13 septembre 2021, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (A.P.C.E.) a adopté à l’unanimité une recommandation concernant la création d’un Protocole additionnel à la C.E.D.H. sur le droit à un environnement propre, sûr, sain et durable, qui inclurait ce droit dans le catalogue des droits humains de la C.E.D.H. 
Le Conseil des Ministres du Conseil de l’Europe doit maintenant procéder à un vote sur cette recommandation. 

Le 27 septembre 2021, l’A.P.C.E. a de nouveau abordé la question du droit à un environnement sain et durable, et a débattu sur plusieurs rapports qui visent à ancrer le droit à un environnement sain dans le catalogue des droits humains. 

 

VII.    COUR EUROPEENNE DES DROITS DE L’HOMME             

  • Arrêt Brus c. Belgique – L’absence d’un avocat lors de la détention préventive viole le droit à un procès équitable – 14 septembre 2021

Le 14 septembre 2021, la Cour E.D.H. a jugé que la Belgique avait manqué à son obligation d’assurer le droit à un procès équitable, contenu à l’article 6§1 et §3c de la C.E.D.H. Dans les faits, le requérant n’a pas eu droit à l’assistance de son avocat pendant sa garde à vue, et les juridictions belges avaient jugé que cela ne viciait pas la procédure dans son ensemble. 
La Cour E.D.H. a rappelé que les restrictions de l’article 6§3 devaient être justifiées de manière très stricte, et qu’en l’espèce, la restriction du droit à un avocat ne reposait sur aucune raison impérieuse. 

  • Arrêt Dyluś c. Pologne – Droit d’accès à un tribunal - Droit à un procès équitable - 23 septembre 2021

Le 23 septembre 2021, la Cour E.D.H. a jugé que la Pologne violait l’article 6 C.E.D.H. (droit à un procès équitable) en ce que, dans le cadre d’une procédure disciplinaire à l’encontre d’un avocat (Mr. Dyluś), la Cour suprême a rejeté son pourvoi en cassation, au motif qu’il avait été rédigé par Mr. Dyluś lui-même, et non pas par son avocat. 

La Cour considère en effet que le pourvoi a été correctement introduit, puisqu’il respecte les conditions de fond et de forme applicables, et qu’il a été introduit par l’intermédiaire d’un avocat valablement mandaté. 


VIII.    CONSEIL DES BARREAUX EUROPEENS                              

  • Comité permanent – Textes adoptés – 8 octobre 2021

Lors du comité permanent du 8 octobre 2021, les délégations nationales ont adopté les textes suivants : 
-    Une résolution sur la primauté du droit européen sur les droits nationaux des Etats membres de l’U.E., en réaction à la décision de la cour constitutionnelle polonaise du 7 octobre 2021 (voir ci-dessous) ; 
-    Les commentaires préliminaires du C.C.B.E. sur le paquet « blanchiment » de la Commission ; 
-    La position du C.C.B.E. sur la proposition d’un nouvel instrument juridique sur la profession d’avocat ; 
-    Les commentaires du C.C.B.E. sur les études de la D.G. GROW en matière de réglementation des services professionnels ; 
-    La position du C.C.B.E. sur la proposition de loi sur l’intelligence artificielle.

Après une demande de la délégation allemande, les délégations nationales ont également décidé que le C.C.B.E. interviendrait auprès de la Cour E.D.H. dans les affaires Martin Kock c. Allemagne et Jones Day c. Allemagne, qui portent sur des perquisitions faites dans un cabinet d’avocats allemand. 

  • Réunion coorganisée par la Cour E.D.H. et le C.C.B.E. – Comment les avocats peuvent-ils aider la Cour à améliorer sa procédure ? – 22 octobre 2021

Le 22 octobre 2021, la Cour E.D.H. et le C.C.B.E. co-organiseront une réunion à destination des barreaux nationaux des 47 Etats du Conseil de l’Europe, qui portera sur des questions de procédure devant la Cour. Celle-ci aimerait en effet recueillir l’avis de la profession d’avocat sur les moyens d’améliorer les modes de fonctionnement de la Cour E.D.H. et de son greffe. 


IX.    AUTRES BARREAUX

  • Pologne – Remise en question de la primauté du droit européen – Arrêt de la cour constitutionnelle - 7 octobre 2021

Le 7 octobre 2021, la cour constitutionnelle polonaise a jugé que l’ensemble de la législation polonaise primait sur le droit européen.  
Cet arrêt de la plus haute cour polonaise vient mettre à mal le fondement de l’intégration européenne, qui veut que ce soit le droit de l’Union qui prime lors d’un conflit entre celui-ci et une norme de droit national. 

Pour rappel, le 14 juillet 2021, la cour constitutionnelle polonaise avait rejeté plusieurs jugements de la C.J.U.E., qui allaient à l’encontre du pouvoir judiciaire. En réaction à cela, la Commission avait demandé à la C.J.U.E. d’ordonner une astreinte à l’encontre de la Pologne pour chaque jour de retard dans la mise en œuvre des jugements de la C.J.U.E. et avait mis la Pologne en demeure de se conformer auxdits arrêts. 

Dès la publication du jugement polonais du 7 octobre 2021, la Commission a fait une déclaration réaffirmant la primauté du droit européen, et annonçant son intention de faire usage de l’ensemble des pouvoirs à sa disposition pour garantir l’application uniforme et l’intégrité du droit de l’Union. 
Plusieurs eurodéputés ont également réagi à cette violation des fondements européens, appelant l’U.E. à prendre des mesures à l’encontre de la Pologne, comme activer la conditionnalité du budget européen au respect de l’état de droit. La C.J.U.E. pourrait aussi réagir, notamment en rendant un arrêt dans lequel elle juge qu’il ne faut plus exécuter les mandats d’arrêt européens délivrés par la Pologne, puisque l’état de droit n’est plus respecté dans le pays. 

Réunies à Bruxelles le 8 octobre 2021, les délégations des barreaux membres du C.C.B.E. ont immédiatement adopté et publié une résolution.

Anne Jonlet
Responsable du bureau de liaison européen

 

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Anne
Jonlet
Responsable du bureau de liaison européen

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