Détenus étrangers en séjour irrégulier : une table ronde sur un important sujet

Le 16 décembre dernier, j’ai eu l’honneur de représenter AVOCATS.BE à la table ronde « détenus étrangers en séjour irrégulier » organisée par le SPF Justice sur l’initiative du ministre de la Justice.

Il faut dire que le sujet n’est certainement pas un épiphénomène.

En effet, en Belgique, 30% de la population détenue est constituée d’étrangers en séjour irrégulier/illégal (les deux termes, pour la simplicité, sont ici considérés comme synonymes).

Un panel de personnes intéressantes avait été rassemblé pour l’occasion : des Directeurs de la Direction Générale de la Détention du SPF Justice et de l’Office des étrangers, un membre de direction d’un établissement pénitentiaire, une Juge d’Instruction, une Juge au Tribunal d’application des peines et une personne y travaillant, un membre d’un parquet général, un membre d’un parquet du Procureur du Roi, une académique ayant travaillé sur le sujet et enfin, deux avocats, notre Consoeur Tine BRICOUT pour l’OVB et enfin, si tant est qu’il puisse être rangé dans cette catégorie, votre humble serviteur.

La présentation des chiffres du phénomène par le SPF Justice et de l’Office des étrangers (disponibles ici) a permis de faire prendre conscience à chacun de l’importance de cette question.

Chacun a pu indiquer quelles sont les difficultés qu’il rencontre en lien avec la situation administrative irrégulière/illégale du détenu. Et quel est l’impact de cette situation (de détention et/ou de séjour irrégulier) sur l’objet de son travail. En mettant en évidence les logiques et réflexes parfois voire souvent contraires du département Intérieur (que l’étranger parte) et du département Justice (que l’étranger ne prenne pas la fuite et exécute sa peine)

Quant à moi, j’ai insisté premièrement sur le fait qu’un avocat en droit de l’immigration peut très facilement observer l’aspect mécanique de ce phénomène, à savoir le fait que sans qu’il faille nécessairement en conclure que le système le souhaite ainsi, la population détenue irrégulière s’accumule au fur et à mesure du temps :

  • De par l’existence (légitime ou pas, là n’est pas la question) du critère d’ordre public dans l’accès à la nationalité belge, dans l’accès au séjour ou dans le retrait du droit au séjour
  • De par la marginalisation sociale qui caractérise souvent la condition de la personne en séjour irrégulier, ce qui, cela apparaît confirmé par la littérature scientifique, est un des traits du passage à l’acte délinquant
  • De par l’importance du critère du séjour régulier dans la détention préventive et l’exécution des peines (qui aboutit au constat que l’étranger sans papier est souvent le premier à entrer, le premier à rester et le dernier à partir de la prison)
  • De par la priorité mise par l’Office des étrangers au retrait du droit au séjour des détenus étrangers

Par ailleurs, deuxièmement, j’ai insisté sur la communication généralement désastreuse entre détenus et leur conseil d’un côté et Office des étrangers de l’autre. Cette communication se résume habituellement en une communication unilatérale du détenu et/ou de son conseil vers l’Office des étrangers, sans qu’il y ait de réponse, y compris à des communications qui appellent une réponse.
Et même dans l’hypothèse, déjà vécue par votre serviteur, d’une volonté de retour volontaire de l’étranger en séjour irrégulier…

A ce sujet, en particulier dans le même grief de la difficulté de communication, on pouvait regretter l’absence du Commissariat général aux Réfugiés et Apatrides (CGRA) autour de la table. En effet, une partie de la population détenue en séjour irrégulier est soit « produite » à partir d’un retrait du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire qui est effectué en situation de détention (et, également déjà vécue par votre serviteur : l’audition par le CGRA d’un étranger sans la présence d’un avocat, étrangers informaient seulement quelques jours plus tôt et l’étranger qui, de bonne foi, donne pour adresse son adresse habituelle hors détention, et reçoit la décision de retrait du statut de réfugié à cette adresse, à laquelle il n’est évidemment pas, et le délai de recours avait commencé à courir selon tant le CGRA que les juridictions de recours…Et ceci sans oublier que le conseil de l’intéressé s’interrogeait auprès de l’OE et du CGRA de l’existence d’une éventuelle décision en ce sens, sans qu’on ne lui réponde pendant plusieurs semaines…).

Enfin, j’ai pu rappeler qu’il est dommage qu’en tout cas en Belgique francophone (j’ignore quelle est la situation du côté néerlandophone), à ma connaissance, le cursus en droit de l’immigration reste largement optionnel dans les études de droit, en sorte que parmi ces acteurs autour de la table pour prendre un exemple, seuls les avocats et le Directeur de l’Office des étrangers avait une bonne connaissance du droit de l’immigration ; les autres personnes (presque toutes juristes) n’avaient sans doute jamais étudié la moindre disposition d’une matière pourtant présentes, au moins par la marge, dans divers champs du droit : droit pénal, droit la famille, droit de la jeunesse, droit social et du travail…etc.

Je reste à votre entière disposition pour tout échange sur cette question de société très importante dans le cadre de laquelle je crois que les avocats, de par leur position aux côtés de leurs clients, détiennent une partie des observations pertinentes et des solutions à apporter.

Pour aller plus loin

François HAENECOUR,
Avocat au Barreau de Mons
francois.haenecour@meritius.be

A propos de l'auteur

François
Haenecour
Avocat au Barreau de Mons

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