Compte-rendu de la rentrée de la Conférence du Jeune Barreau de Mons

C’est le vendredi à 11 heures 30 que débute, traditionnellement, la rentrée à Mons, par le rendez-vous du Barreau au Palais de Justice devant la stèle à la mémoire de Paul CAVENAILE mort dans le camp de Mauthausen en février 1945 pour son attachement à la liberté ce que ne manquera pas de rappeler le Bâtonnier Bernard Popyn.

A 17 heures, un autre rendez-vous, nous attendait, en face du Palais, dans l’église Sainte-Elisabeth pour l’installation d’une statue de Saint-Yves, patron des avocats et des magistrats, œuvre du sculpteur Bernard Descamps.

La cérémonie présidée par le Doyen André Minet fut empreinte de simplicité, d’émotion et de justesse des interventions dont celle de notre Bâtonnier. Une chorale interpréta des airs traditionnels du Grand Pardon de Saint Yves à Tréguier dont la fête est le 19 mai et trois joueurs de cornemuse firent vibrer les voûtes de l’église.

Une réception conviviale, sous le soleil, dans le jardin de la Maison Losseau (notre maison …) clôtura ce bel hommage au défenseur des pauvres.

Le rituel du samedi se déroule en plusieurs phases à commencer par le déjeuner à la Table du Boucher où se retrouvent le comité du Jeune Barreau, les anciens Bâtonniers et Présidents de la Conférence et bien entendu …nos invités.

A 15 heures la salle des pas perdus des cours de Justice accueille la séance de rentrée, proprement dite, sous la présidence souriante de Mathilde Lotiquet.

Le Bâtonnier prononça les éloges funèbres des avocats et avocats honoraires, depuis deux ans …Il évoqua ainsi la mémoire de Jacques Jottrand, Pierre Delaunois, Ronald Thomas, Alain Doclot et Anne-Marie Potvin-Binard.

Dans son discours, le Bâtonnier se réjouit de nos retrouvailles post-covid … Cela commençait à faire long.

Il rappela qu’Œdipe se targuait déjà de « gémir à la fois sur la ville, sur vous et sur moi pour légitimer les ordres qu’il donne ».

Nos gouvernants ont endossé cette légitimité, avis d’experts à l’appui, pour nous imposer bien des restrictions attentatoires à notre vie privée et culturelle, à nos relations familiales et amicales, à nos rêves et projets mis sous l’éteignoir.

Tout cela baigné par une cacophonie de mauvais aloi, de cinquante nuances de gris destinées, sciemment ou pas, à nous placer en léthargie et docilité, « puisqu’on vous le dit que c’est pour votre bien » …

Panurge et ses moutons ne sont pas loin …

Puis vint le 24 février 2022 et le crissement des chars poutiniens sur le peuple ukrainien qui réveilla la vieille Europe suite à l’horreur et aux harangues salutaires de Volodymyr Zelenski.

Du fond de sa boîte l’espérance d’Antigone reprend du service et pousse l’Europe, enfin, dans la bonne direction avec une lucidité longtemps éteinte.

Le barreau aussi a réagi en créant une commission d’aide à l’accueil des réfugiés ukrainiens.

Voulant éviter le piège de l’ultracrépidarianisme, le Bâtonnier POPYN plaide une force pour l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité.

Cette imprescriptibilité rappela-t-il est née du refus de nos consciences d’accepter que demeurent impunis après des décennies, les auteurs des crimes qui nient l’humanité.

Elle doit donc demeurer tout à fait exceptionnelle et être limitée aux crimes contre l’humanité.

Pour d’autres crimes comme les violences sexuelles, il estime qu’il faut privilégier d’autres possibilités de réparation, à l’instar du Québec et de son programme de Rencontres Détenus-Victimes (RDV), dont les entretiens sont « minutieusement préparés et encadrés par des professionnels spécialisés ».

Il rappelle que les barreaux doivent demeurer des lanceurs d’alerte.

Que notre profession doit promouvoir l’exigence d’une formation de qualité et qu’à Mons nous disposons de deux universités qui doivent devenir nos partenaires pour réaliser cet objectif, avec l’aide de cet outil sans pareil que constitue la « Bibliothèque commune des Cours de Justice ».

Il appelle à un renforcement de la collaboration entre nos trois barreaux du Hainaut, avec l’adhésion de tous.

Il termine sa brillante intervention par un percutant « Gloire à l’Ukraine », le poing levé.

Puis ce fut le discours de l’orateur de rentrée, Nathan Radelet, préparé voici … deux ans.

Son titre d’abord : « A contre-pied ».

Par réflexe j’ouvris un dictionnaire au hasard et j’appris qu’il s’agissait de « la direction contraire prise par les chiens qui n’est plus celle que suit la bête ».

Voyons cela…

Il se repenche essentiellement sur la crise sanitaire que les médias et les politiciens ont transformée en séminaire permanent depuis le 17 mars 2020.

N’en sommes-nous pas saoulés, amortis, fatalistes voir défaitistes ?

L’orateur est un utopiste qui dut déchanter.

Son constat est amer : le citoyen (lambda ?) exprima sa docilité silencieuse face au rognage de ses libertés les plus chères : aller, venir, se réunir, faire la fête, avancer fièrement - sans masque dans la cité.

Monsieur le Bâtonnier vient à l’instant de rappeler tout cela.

En tirer des leçons ?

L’urgence justifie-t-elle tout ?

« Afin de clore la question de l’urgence et de sa relative prévisibilité, nous pouvons simplement nous dire que l’histoire nous apprend que si nos dirigeants étaient normalement prudents et diligents et ne pensaient pas à court terme le monde serait sans doute tout autre. »

« On le conçoit, la crise sanitaire a placé nos dirigeants dans l’obligations d’agir et d’agir vite mais cela ne permet pas tout. »

Il rappelle la nécessité de maintenir un état de droit, avec ses normes édictées par nos élus au terme de débats démocratiques, et non menés par le bout du nez par les beaux cerveaux de nos scientifiques et les mitonnages aigre-doux des instances exécutives multipliées grassement dans notre paysage institutionnel surréaliste …

Mais son constat est plus grave encore : « nous » avons accepté, courbé la nuque … par peur liée à la gravité de la situation, soumission volontaire et faculté d’adaptation.

L’orateur en tire une leçon pragmatique à transposer dans la gestion de la crise climatique.

Ainsi, puisque « ça » marche, il exhorte nos gouvernants à prendre les décisions drastiques qui s’imposent pour sauver la planète.

Et à ne pas faire dans la dentelle ! 

Nous, les citoyens, nous les accepterons sans broncher et bien plus, vous serez même réélus !

C’est votre conception du contre-pied … La meute se ravise et, par on ne sait quel miracle ne poursuit plus sa proie et fonce vers un ailleurs exempt d’aboiements féroces, de curée et d’hallali.

Les chiens en ont assez de se laisser abasourdir par les cors des chasseurs en habit rouge.

La bête sera sauvée mais n’aura rien compris.

N’est-ce pas contraire à son destin de chien de meute ?

Sa révolte douce s’assimile-t-elle à la soumission qui serait l’essence de notre nature ?

A quoi bon disserter longuement ?

La Présidente se devait de répliquer.

Elle rappelle que le pessimisme de l’orateur n’est plus de mise car « tout cela est déjà bien derrière nous, non ? ».

Elle en appelle à Thomas More et à son « Utopie ou le Traîté de la meilleure forme de gouvernement » publié en 1516.

L’île imaginaire appelée UTOPIE « nulle part » en ce qu’elle est occupée par une société idéale, sans propriété privée, tolérante et égalitaire.

Elle s’adresse à l’orateur en ces termes : 

« Aujourd’hui, Mon Cher Orateur, vous vous trompez en qualifiant d’utopie ce qui est irréalisable et manquez ainsi cruellement d’idéalisme.

Au contraire, notre société doit retrouver le chemin de l’optimisme et rendre à l’utopie son enseignement initial : être lucide sur ce qui est inacceptable et visionnaire sur ce qui doit être réinventé. ».

Il n’est donc pas question de démissionner ni de désespérer.

Note parlement fonctionne et la justice exerce son contrôle en veillant au respect du droit.

Nous devons alimenter et enrichir le dialogue démocratique pour promouvoir des réformes.

Les groupes de pression existent, et font évoluer les mentalités sur le combat à mener contre le réchauffement climatique.

« Greta » est entendue … et commence à être écoutée.

Greenpeace lutte pacifiquement depuis de longues années. Ses messages ne sont plus inaudibles.

La Belgique progresse dans la bonne direction, certes trop lentement.

La Présidente termine sa réplique en ces termes :

« Personnellement, je crois en la démocratie et en ses valeurs, en nos dirigeants et en leurs engagements ; je crois en une société idéale.

Je finirai en empruntant les paroles de Monsieur Arno, l’autre Roi des Belges : 

« Je veux vivre dans un monde sans jalousie, sans amant
Et où les pessimistes sont contents
Je veux vivre dans un monde sans papier et où mon foie
Arrête de pleurer
Je veux vivre dans un monde sans pilule
Et où les riches et les pauvres n’existent plus
Je veux vivre dans un monde sans cholestérol
Avec une overdose de rock’n’roll »

Ce soir nous fêterons, sans masque et sans distance. Mon Cher Orateur, voilà le seul point sur lequel je peux vous rejoindre …

Merci.

Cette année, avec le retard appelé COVID 19, le barreau fêtait deux avocats ayant atteint cinquante ans de vie professionnelle, Maître Jean-Maurice Arnould et Monsieur le Bâtonnier Alain Colmant.

Maître Jean-Maurice Arnould fut un militant de la première heure de la Ligue des droits de l’homme notamment en ce qui concerne la place de la victime dans l’instruction du dossier au travers de l’affaire Brichet qu’il connut et celle du détenu pour la dignité de son statut dans les établissements pénitentiaires. Il l’évoque avec la pondération et la sincérité qui le caractérisent.
Son engagement est intact et honore notre profession.

Monsieur le Bâtonnier Alain Colmant évoqua la mémoire de son grand-père Monsieur le Bâtonnier François Colmant, de ses amis disparus, l’installation de la Cour d’appel de Mons le 24 janvier 1975, ses collaborateurs et quelques procès particuliers qu’il vécut, non sans humour. Il termine en rendant hommage à Françoise, son épouse qui est la seule à mériter une médaille… que le Président d’avocats.be, Xavier Van Gils leur remet en souvenir.

Ici se termine la partie « officielle » de la rentrée.

Les réjouissances, gustatives et autres, pouvaient commencer réception, soirée, revue, …

Dimanche fut un point d’orgue avec, en apéritif la visite de l’éblouissante exposition consacrée à Anto Carte au Bam et ensuite le déjeuner du Bâtonnier au Mundaneum. C’est toujours un moment délicieux où l’amitié déborde des bulles et des mots dits « de circonstance » mais tellement chaleureux …

Vive le Barreau, celui de Mons et ses invités.

Vive l’amitié, l’estime et la tolérance.

Jean SAINT-GHISLAIN
Ancien Bâtonnier 

 

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