Mémoires d’un juge trop indépendant par Renaud Van Ruymbeke

"Ainsi qu’il soit de gauche ou de droite, le parti au pouvoir adopte le même comportement à l’égard de la justice : il entrave son action pour préserver ses propres intérêts."

Qui ne connaît le juge d’instruction Renaud Van Ruymbeke ? Celui qui est intervenu dans les affaires Boulin, Urba, frégates de Taïwan, Clearstream, Kerviel, Cahuzac, Karachi, Balkany, …, la terreur des hommes politiques.

Ce n’est pas le premier ouvrage qui est consacré à ce juge d’instruction d’un courage exceptionnel. Mais celui-ci est écrit par lui-même, avec la collaboration de Jean-Marie Pontaut, auteur de très nombreuses autres enquêtes.

Trop indépendant ? Peut-on, lorsque l’on est magistrat, être « trop » indépendant ? Dans l’esprit de certains politiciens, oui, manifestement. Il fut un temps, il est vrai, où - dérive typiquement humaine lorsqu’un système tourne sur lui-même ? – la corruption était devenue un mode de financement habituel des partis politiques. A tel point que, lorsque Mitterrand arriva au pouvoir, il se contenta de solliciter un rééquilibrage des contributions occultes d’Elf, sans remettre en cause le principe même de commissions qui avaient été érigées en système depuis la présidence du Général de Gaulle.

Mais Renaud Van Ruymbeke est-il un cowboy sans foi ni loi, méprisant tous les garde-fous pour atteindre ses objectifs de poursuites ? Il s’en défend. Avec force et des accents de sincérité dignes de considération.

"Il m’est arrivé d’être informé par des enquêteurs qu’ils avaient interceptés, incidemment, les conversations d’un suspect avec un avocat. Ce type de situation m’a toujours gêné. Je ne voulais pas en entendre parler. Mes consignes étaient claires : il n’était pas de question d’en faire état et de les transcrire.

Le juge d’instruction est aussi un arbitre. C’est toute la difficulté de cette fonction, que j’ai trouvé passionnante dans l’exercice de ses propres contradictions. Véritable Janus judiciaire, il dirige l’action des enquêteurs tout en assurant l’exercice des droits de la défense. C’est l’équilibre entre ces deux principes que j’ai voulu assurer. C’est ma conception du métier…

Le doute dans l’exercice de ces fonctions doit être permanent, c’est pourquoi je me suis efforcé de comprendre sans m’enfermer dans des certitudes. Philippe Bilger, qui fut un magistrat du parquet talentueux, a parfaitement défini les limites de l’exercice. Il distingue en effet le justicier et le juge : le justicier fait tout pour s’emparer d’une conviction au nom d’une conception absolutiste de la justice ; le juge, lui, agit au nom du droit."

Discours de circonstances, plaidoyer pro domo, diront certains. Il est étayé par de nombreux exemples en tout cas. Et aussi par le fait que les nombreuses plaintes dont il a été l’objet n’ont jamais déstabilisé notre homme et n’ont jamais abouti à aucune sanction.

Renaud Van Ruymbeke est aussi une des principaux artisans de l’appel de Genève qu’il lança avec cinq autres juges d’instruction européens, dont le célèbre Baltasar Garzón et notre Benoît Dejemeppe : un appel à la coopération judiciaire pour permettre aux magistrats instructeurs de suivre les capitaux de la corruption dans les différents paradis fiscaux par lesquels ils transitent.

C’est donc un ouvrage sincère, courageux, revigorant, certes plus passionnant dans ses deux premiers tiers que dans le dernier, sans doute parce que les affaires évoquées sont trop proches et qu’il est difficile de ne pas trop en dire.

Avec une profession de foi qui ne peut que séduire.

"Le cabinet d’un juge d’instruction est d’abord un lieu de rencontres. Ma porte est toujours restée ouverte. Aucun visiteur n’est un intrus. Je n’ai jamais imposé à un avocat de prendre préalablement rendez-vous. Instruire, c’est d’abord écouter et dialoguer ; ce n’est pas juger mais chercher, formuler des hypothèses tout en se méfiant de ses intuitions, remettre en question, comprendre et, enfin, démontrer et expliquer. Le dialogue est essentiel."

Je rêve d’une Justice avec beaucoup de Renaud Van Ruymbeke.

Patrick Henry,
Ancien Président

A propos de l'auteur

Henry
Patrick
Ancien Président d'AVOCATS.BE

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