Mes chers Confrères,
Même si ce n’est pas vraiment une surprise, le choix qui a été fait par le nouveau gouvernement flamand de créer un poste de ministre de la justice et de l’exécution administrative (bestuurlijke handhaving) est symptomatique.
Loin de moi l’idée de prendre des options politiques, de prôner ou combattre la régionalisation ou la communautarisation de la justice ; chacun a, sur ce sujet, son idée et tel n’est pas le rôle de notre institution. Par contre, notre mission est de veiller à ce que, quel que soit le scénario qui se profile pour les années à venir, l’Etat de droit soit respecté, la Justice soit mieux traitée et les avocats soient entendus.
La mesure prise par la nouvelle majorité flamande n’est pas anodine comme il n’est pas anodin d’avoir confié la présidence de la commission de la justice de la chambre à la députée N-VA Kristien Van Vaerenbergh. Il n’est pas plus anodin d’avoir confié ce nouveau poste ministériel à Zuhal Demir du même parti. Une forme de défédéralisation de la justice semble être en marche. Elle est voulue par certains.
Cette défédéralisation est-elle inéluctable ? Comme pour toute volonté politique, elle dépendra essentiellement du résultat des prochaines élections. Même au nord du pays, certains espèrent le maintien d’une justice fédérale. Ne soyons cependant pas simplement attentistes et envisageons les différentes possibilités.
Le programme du nouveau gouvernement flamand ne prévoit pas réellement d’accroissement des compétences en matière de justice. Il ne le pourrait d’ailleurs pas, les articles de la Constitution traitant du sujet n’ayant pas été soumis à révision. Les compétences déjà exercées par les entités fédérées et qui touchent directement à la justice sont déjà nombreuses et importantes : jeunesse, aide juridique de première ligne, maisons de justice, … Elles s’exercent déjà tant du côté du gouvernement flamand que de celui de la communauté dite Wallonie Bruxlles.
Mais, restons vigilants ! Le message est clair. La défédéralisation commence à se dessiner. Une défédéralisation de la justice est-elle envisageable autrement que par le biais d’une régionalisation (plutôt qu’une communautarisation) ? Cela signifierait un bouleversement, notamment à Bruxelles. Qu’en serait-il également du ressort de la Cour d’Appel de Bruxelles, des liens existants entre Bruxelles et la Wallonie ? Ce serait également un bouleversement pour notre institution.
En cas de défédéralisation, un cadastre préalable devra être établi avec les transferts nécessaires pour équilibrer la situation du nord et celle du sud du pays. La situation, notamment des palais de justice, est loin d’être la même en Flandre et en Wallonie.
Mille et une questions se posent.
Les premiers qui semblent être inquiets par cette perspective sont les magistrats rencontrés. On ne peut pas leur donner tort. Qu’est-ce qui garantira, à l’heure où nous avons des exigences légitimes de refinancement de la Justice, au minimum un maintien de la situation actuelle ? Comment sera financée cette justice, qui gèrera l’aide juridique de deuxième ligne, qui sera en charge des lieux de justice, … ? Dans les contacts avec nos confrères du nord du pays, nous percevons bien que ces sujets ne sont pas tabous et que les perspectives sont analysées de manière différente au nord et au sud du pays.
Cela n’enlève rien aux excellentes relations entretenues entre AVOCATS.BE et l’O.V.B. Mais, comme toujours lorsque le communautaire pointe son nez, ne soyons pas naïfs et agissons auprès de nos représentants pour éviter des catastrophes comme par le passé en matière de communautarisation de l’enseignement.
Le chantier n’est sans doute pas pour les mois à venir mais plus pour une prochaine législature. Cela doit nous permettre d’y réfléchir sereinement mais en posant, avec fermeté, les conditions de cette révolution.
AVOCATS.BE sera donc attentif !
Votre très dévoué.
Xavier Van Gils,
Président
Photo © VIRGINIE LEFOUR - BELGA