Tentations, par Jean-Pierre Bours, éditions Hervé Chopin, 2018, 320 p., 19€.
« - Encore le libre arbitre … marmonna Faust.
- Évidemment ! Quand il est poussé à l’extrême, voilà ce que cela donne … Vous vous intéressez à l’être humain, docteur Faust, au point de passer des nuits à le disséquer ? Vous voulez savoir à quoi il ressemble quand toute licence lui est octroyée ? Sortez d’ici, promenez-vous par les rues : vous croiserez l’homme à l’état sauvage, tel qu’en lui-même, quand tout vernis de civilisation a disparu. Cet homme-là est en vous, en chacun des vôtres, il y est embusqué. – Par-delà les remparts, au travers des meurtrières, on découvrait la ville, curieusement calme, comme assoupie dans l’horreur. Alors il reprit. – Ne trouvez-vous pas que le moment est venu ?
- Le moment ? sursauta Margarete. Quel moment ?
- Mais … fit-il, celui de concéder que vous désespérez de l’espèce humaine. Celui d’admettre que la Création est un fiasco. Que Dieu eut dû façonner l’homme à Son image, c’est-à-dire parfait. Qu’avoir permis que le mal existât était une divine bourde, qui suffit pour que soit déconsidéré son Auteur.
- Jamais, dit Faust ».
Jean-Pierre Bours a donné une suite à Indulgences.
Elle est moins haletante, plus riche, plus édifiante.
Jean-Pierre Bours est, depuis, son adolescence, fasciné par le personnage de Faust. Mythe ou légende ? Y a-t-il eu, au début du 16e siècle, un médecin féru d’anatomie, de sciences et, peut-être, d’alchimie et de magie ? A-t-il vendu son âme au diable, comme l’évêque Théophile d’Adana, comme le prêtre de Loudun Urbain Grandier, comme le bluesman du Mississipi Tommy Johnson ou le rappeur Lil Uzi Vert ?
Indulgences en était l’introduction. Comment le maître rencontrait Marguerite. Il aborde cette fois le corps du récit. Margarete est devenue la compagne de ce fascinant médecin, qui correspond avec Erasme et Thomas More, qui est appelé au chevet de Lucrèce Borgia ou d’Henry VIII. Elle veut en percer le secret.
Comme dans Indulgences, l’histoire – la vraie : elle est parfois soulignée par des notes subpaginales tant il est vrai que la réalité est parfois à ce point horrible que, sans ces notes, nous ne pourrions y croire – est mêlée à la légende et à l’imaginaire.
C’était un temps de violences, de fornications, de trahisons, de cruautés gratuites, perpétrées au nom d’un dieu dont il est difficile de croire qu’on pouvait croire en sa bonté.
C’était aussi un temps où des visionnaires se levaient, tels de nouveaux Prométhée, qui croyaient en l’homme.
Ce sont eux qui nous ont mené où nous sommes. Avec ou sans le diable ? Vous lirez. Vous jugerez.
À la page 83, Faust assiste à la dissection par le docteur italien Trevisan d’un pendu. Quel crime avait-il commis ? Ni Trevisan, ni Faust ne le savent évidemment. Il présente, parmi ses nombreuses blessures, une profonde entaille dans la boite crânienne.
« Trevisan s’empara alors d’une scie et, depuis l’arcade sourcilière, découpa l’os en un mouvement circulaire, avant de retirer la calotte. Le cerveau était là, sous la dure-mère ; l’anatomiste dut recourir aux services de Faust et Alissa, et les guida de quelques mots, pour tailler dans les muscles et les nerfs avant de pouvoir l’extraire et le déposer sur la table.
- Il est largement atteint, dit-il. Le coup porté l’a été il y a des années. Tout le ventricule latéral est écrasé. Cet homme ne pouvait avoir une vie normale ! C’est plus une victime qu’un malfaiteur ; il eut fallu l’interner ».
Réhabiliter Prométhée et les siens.
Patrick Henry, Ancien Président