Les notes de politique générale des membres du gouvernement seront discutées cette semaine à la Chambre. Parmi, celle-ci la note d’orientation politique de notre nouvelle ministre de la justice qui a déjà dû répondre à de nombreuses questions parlementaires, notamment sur la question de la surpopulation carcérale.
1. Notes de politique générale - Rencontre avec la ministre de la justice
a. Textes
- Déclaration gouvernementale – Accord de gouvernement (DOC56 0020/002)
- Exposé d’orientation politique de la ministre de la justice (DOC 56 0767/017)
- Lettre adressée à la Ministre Verlinden.
Autres exposés d’orientation politique :
- Exposé d’orientation politique – économie (DOC 56 0003)
- Exposé d’orientation politique – lutte contre la pauvreté (DOC 56 0010)
- Exposé d’orientation politique – intérieur (DOC 56 0019)
- Exposé d’orientation politique – digitalisation (DOC 56 0030)
- Exposé d’orientation politique – protection du consommateur (DOC 56 0033)
- Exposé d’orientation politique – asile migration (DOC 56 0037)
- Exposé d’orientation politique – indépendants (DOC 56 0041)
b. Développements
Le président Stéphane Gothot a rencontré la ministre de la justice le 18 février 2025. Participaient également à cette rencontre le vice-président Marc Fyon, Laurence Evrard, ainsi qu’une délégation de l’O.V.B. et les deux bâtonniers bruxellois, Marie Dupont et Frank Judo. La ministre était accompagnée de sa directrice de cabinet, Evelyn de Keersmaeker.
La rencontre s’est déroulée dans une ambiance constructive. De nombreux sujets ont été abordés. A la suite de la réunion, chacun des deux Ordres a dressé une note précisant sa position à propos des points de l’accord gouvernemental qu’il estimait utile de mettre en avant (voir annexe).
2. Informatisation de la justice – Audition des Ordres communautaires
a. Textes
- Rapport de la Cour des comptes sur le « Pilotage de la transformation numérique de la justice par l’État fédéral »
- Voir le rapport de la Cour des comptes
- Voir la synthèse du rapport
- Voir le communiqué de presse de la Cour des comptes
b. Développements
AVOCATS.BE et l’OVB étaient invités le 18 février 2025 à une séance de la commission de la justice, consacrée à l’informatisation de la justice.
Au cours de celle-ci, les députés ont auditionné des représentants du Collège des procureurs généraux, et du Collège des cours et tribunaux, ainsi que les représentants des Ordres communautaires c’est-à-dire Erik Valgaeren pour l’O.V.B. et Olivier Haenecour pour l’O.B.F.G. Ces derniers avaient préparé une présentation conjointe.
Les magistrats, tant du siège que du parquet, ont déploré le saupoudrage des moyens consacrés à l’informatique, constatant qu’il y avait trop de projets qui n’étaient pas assez suivis. Ils ont fait part de leurs priorités et demandé des moyens supplémentaires pour celles-ci. Il s’agit notamment de JustCase et de JustSign. Ils ont également insisté sur la nécessité de mettre en place une structure de direction bien coordonnée entre le cabinet et le SPF justice.
Olivier Haenecour et Erik Valgaeren ont déploré le manque d’efficacité, et insisté également sur la nécessité d’une structure claire, dont ils ont demandé de faire partie, avec voix consultative, en rappelant le récent arrêt du Conseil d’Etat qui considère qu’il n’y avait pas de raison d’écarter les avocats de la gestion de la base de données des arrêts et jugements.
Ils ont également demandé des moyens financiers suffisants pour terminer ce qui a été entamé.
Olivier Haenecour a fait observer en fin de séance qu’il n’avait à aucun moment été question de l’intelligence artificielle au cours des débats, en s’étonnant de cette omission. Il a cité des extraits des débats qui avaient eu lieu au Sénat français sur cette question, pour en montrer l’importance.
3. Surpopulation prisons – arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles du 18 février 2025 – question parlementaire
Le député Khalil Aouasti (PS) a interrogé la ministre de la justice en commission de la justice le 12 mars 2025 au sujet de l’arrêt du 18 février 2025 de la Cour d'appel de Bruxelles: « Le 18 février, la cour d’appel de Bruxelles a reconnu la responsabilité de l'État belge dans la surpopulation des prisons de Haren et de Saint-Gilles et l’existence de traitements inhumains et dégradants qu'elle identifie en détail à Saint-Gilles. Je les ai souvent dénoncés sans réaction du SPF Justice et de la Régie des Bâtiments. L'absence d'élémentaires conditions de vie entraînant les traitements inhumains est liée au manque d’investissement à Saint-Gilles, qui devait fermer en 2024. Hier, Mme Matz m'indiquait disposer des budgets pour y réaliser ce qui était prévu mais pas pour le surplus ni l'urgent, à cause des restrictions budgétaires. Comment réduirez-vous, à court terme, la surpopulation carcérale à Haren? Dès lors que vous ne rénoverez pas Saint-Gilles, quand fermerez-vous définitivement cette prison? ».
La ministre de la justice a répondu ce qui suit : « La politique de transferts de mon administration vise une occupation maximale de chaque cellule. Pour Haren, cela signifie que les détenus condamnés à 3 ans ont à nouveau été transférés à Saint-Gilles depuis le 15 août 2024. Cela se fait aussi dans le respect du confinement à Haren et en vue du transfert de l'annexe psychiatrique de Saint-Gilles vers Haren. Les détenus condamnés sont également transférés vers des prisons wallonnes, car la plupart des dossiers sont en français. Les travaux de rénovation mineurs ont toujours été réalisés à Saint-Gilles. Des travaux de sécurité s'y dérouleront aussi. Mais pour l'état d'avancement des grands travaux, je vous renvoie au ministre chargé de la gestion des bâtiments. Aucune décision n'a été prise pour la date de clôture de Saint-Gilles et la population carcérale actuelle ne permet pas une fermeture rapide ».
Réaction de Khalil Aouasti (PS) : « Vos réponses ne me satisfont pas. La surpopulation carcérale ne justifie pas des traitements inhumains et dégradants. La Cour d'appel de Liège a récemment condamné l'État. Vous avez reçu 81 millions d'euros d'astreinte. La Cour d'appel de Bruxelles nous condamne aussi pour traitements inhumains et dégradants. On attend l'arrêt de la Cour d'appel de Mons, qui confirmera sans doute ces derniers (note : l’arrêt est annoncé le 27 mars 2025). Et vous dites que la gestion de la surpopulation importe plus que la dignité humaine. C'est inadmissible. D’après les statistiques récentes, le nombre de lits au sol est passé de 132 il y a un mois à 233 aujourd'hui. La surpopulation carcérale, au nord comme au sud du pays, explose, avec près de 13 000 détenus ! Madame Matz l'a dit, elle n'a pas les moyens pour rénover. Il faut donc fermer la prison de Saint-Gilles, peu importe la surpopulation carcérale.
4. Prisons – questions parlementaires
Annelies Verlinden avait déjà été interrogée par plusieurs députés en commission de la Justice du 26 février 2025 sur la situation dans les prisons.
Résumé de la réponse de la Ministre : « Le problème de la surpopulation dans nos prisons ne pourra pas se régler à coups de slogans ou de déclarations matamoresques. Je vais toutefois m'efforcer d'améliorer la situation, par respect pour toutes les personnes qui doivent y travailler et y vivre. Toutes les peines d'emprisonnement doivent être exécutées, je suis d'accord sur ce point-là. Si nous établissons certaines peines dans le Code pénal et que des juges les prononcent, nous devons les exécuter. Dans le nouveau Code pénal, qui entrera en vigueur au printemps de 2026, nous ne considérons toutefois plus la peine d'emprisonnement comme l'unique solution. À l'instar des pays qui nous entourent, nous devons examiner comment nous pouvons réprimer des délits par des peines alternatives. (…)
Bien entendu, nous devons remédier à la surpopulation carcérale, mais le fait de ne plus convoquer les condamnés ou l'usage abusif du congé pénitentiaire prolongé ne constituent pas les moyens appropriés à cette fin. C'est pourquoi nous avons réuni l'ensemble des acteurs le 21 février : non seulement les cours et tribunaux, le SPF Justice, le ministère public et la direction de l'administration pénitentiaire, mais également les cabinets et administrations des communautés. Dans ce cadre, nous avons discuté, à l'aide d'un document de travail confidentiel, d'une série de propositions susceptibles de contribuer à supprimer les solutions illégales utilisées actuellement pour lutter contre la surpopulation carcérale. (…)
Notre objectif est de sortir de l'illégalité dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui, à savoir une situation où 2 500 à 3 000 condamnés ne sont pas appelés à rejoindre la prison. Lors de la réunion, chacun était conscient des différentes causes du problème actuel. (…)
(…) nous devons concevoir une série d'autres mesures à brève échéance. Il est écrit dans l'accord de gouvernement que nous souhaitons recourir à des infrastructures à l'étranger, mais ce projet ne sera pas non plus réalisé à brève échéance. (..)
Les prisons peuvent accueillir 11 040 personnes, mais hier, 12 840 personnes y séjournaient, dont 178 doivent dormir à même le sol. Sans la mesure du congé pénitentiaire prolongé, les prisons accueilleraient 704 personnes supplémentaires. Ce taux de surpopulation a un impact sur les conditions de travail des nombreux membres du personnel pénitentiaire, y compris au niveau de la discipline. La Belgique a déjà été condamnée à plusieurs reprises pour violation de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH), avec des astreintes journalières par détenu en surnombre ou des astreintes pour chaque constat de traitement inhumain et dégradant. (…) ».
5. Fonctionnement de la cour d’appel de Bruxelles - question parlementaire
Annelies Verlinden a été interrogée par Kristien Van Vaerenbergh (N-VA) en commission de la Justice du 12 mars 2025 sur la suspension des audiences dela cour d'appel de Bruxelles.
La ministre de la justice a répondu ce qui suit: « La situation à la cour d'appel de Bruxelles est affligeante et perdure depuis longtemps. Je ne peux répondre qu'en ma qualité de ministre de la Justice. Actuellement, 82 des 83 postes de magistrat sont pourvus. Sur les 46 postes de greffier, 43 sont pourvus. Il y a également 16 référendaires. Mon prédécesseur a recruté 9 magistrats, 11 greffiers et 8 assistants afin de résorber le retard.
En 2024, les recrutements temporaires des 20 dernières années sont devenus définitifs. Il s'agit de 18 magistrats et de 9 greffiers en plus du cadre légal.
Ces deux dernières années, il a été fait appel à cinq juristes temporaires, qui ont entre autres répertorié l'arriéré judiciaire.
Le CSJ a publié deux rapports, en juin 2022 et en juin 2024, ainsi qu'un rapport complémentaire en décembre 2024. Ces rapports contiennent des propositions visant à améliorer la productivité, telles que des ajustements dans la procédure et le fonctionnement interne, qui permettraient de réduire l'arriéré sans grande incidence budgétaire.
Le Collège des cours et tribunaux a discuté du rapport complémentaire et la Conférence des premiers présidents en fera de même.
Pour ce qui est des conséquences de la suspension, je vous renvoie au premier président de la Cour. Nous avons appris la décision de fermer des chambres par la presse. Nous ne savons pas si une analyse des risques a eu lieu. Je ne suis pas compétente pour la gestion de la juridiction. Je rencontrerai prochainement le premier président de la cour d'appel pour m'informer des préoccupations et des besoins. »
Réplique de Kristien Van Vaerenbergh (N-VA): « Il ressort de vos chiffres que le cadre est presque entièrement pourvu et que des renforcements étaient déjà prévus. Néanmoins, les problèmes persistent. Il est inadmissible que des moyens supplémentaires soient alloués sans que rien ne change. Cette situation sape la confiance dans la Justice ».
6. L’accès des avocats à la BAEC – question parlementaire
Annelies Verlinden a été interrogée par Marijke Dillen (VB) en commission de la Justice du 26 février 2025 sur l’accès des avocats à la BAEC: « Depuis le 1er janvier 2025, l'accès des avocats à la Banque de données des actes de l'état civil (BAEC) est restreint. Un protocole doit être conclu conformément à la loi du 30 juillet 2018 relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel. Pourquoi un protocole n'a-t-il pas encore été conclu ? Une initiative sera-t-elle encore prise ? »
Réponse de la Ministre : « La réglementation a effectivement été adaptée pour satisfaire au RGPD et à la loi relative à la protection des données. La loi impose l'obligation de conclure un protocole lorsqu'un SPF communique des données à caractère personnel à une autre administration ou une instance privée. Selon l'APD, un protocole est nécessaire lorsque cinq conditions cumulatives sont remplies. L'une d'elles est que la communication est nécessaire pour satisfaire à une obligation légale incombant au responsable du traitement, à savoir aussi le destinataire des données.
Il ressort d'informations émanant des Ordres des avocats qu'une telle mission légale n'existe pas. Nous examinons la possibilité de faciliter l'accès des avocats sur la base d'une autorisation expresse du citoyen. Étant donné qu'une gestion active des mandats est nécessaire à cet effet, des investissements et des budgets supplémentaires sont également nécessaires »
Marijke Dillen (VB): « Ai-je bien compris? Dans le cadre du futur protocole, chaque avocat devra obtenir au cas par cas l'autorisation de son client pour demander des actes d'état civil. C’est ça? »
Annelies Verlinden: « Ce n’est pas tout à fait ça. L'une des conditions pour qu'un protocole puisse être élaboré est qu'il s'agisse d'une obligation légale. Or, dans le cas présent, il s'agit plutôt d'un souhait du client. Nous devons examiner comment nous pouvons accorder un accès structurel sur la base de l'autorisation explicite du client ou du citoyen ».
Laurence Evrard
Responsable des actualités législatives