Le coronavirus est-il en séjour régulier ?

Ou comment tirer prétexte de la crise sanitaire pour laisser les demandeurs d’asile à la rue où, il est vrai, ils ne sont ni contaminables, ni contaminants

 

A la demande de l’OBFG et csrts (différentes associations actives dans la défense des étrangers), le juge des référés du TPI francophone de Bruxelles vient de condamner la pratique de l’Etat belge qui depuis les mesures sanitaires contre le coronavirus, de facto, laissait les demandeurs d’asile à la rue pendant plusieurs semaines. De quoi s’agit-il ? La loi sur les étrangers et la ‘directive asile’ (2013/32/UE) prévoient que l’étranger doit bénéficier des droits du demandeur d’asile dès qu’il s’est déclaré réfugié à l’Office des étrangers (au Petit Château à Bruxelles). Et parmi ces droits figure celui de bénéficier d’un accueil lui permettant de mener une vie conforme à la dignité humaine. ‘brood, bed en bad’ selon la formule de Monsieur Théo Franken, soit, concrètement le droit d’être hébergé par Fedasil. Mais, sous prétexte du coronavirus, pour éviter les rassemblements devant le Petit Château, l’OE avait mis en œuvre, un processus compliqué par lequel les demandeurs d’asile devaient s’inscrire sur une site internet ad hoc, d’une convivialité toute relative, surtout quand on n’a au mieux qu’un Smartphone, en y joignant nombre d’informations, ainsi qu’une photo scannée. Cette inscription sur le site ne valait pas déclaration d’asile mais permettait uniquement de recevoir une convocation à venir se déclarer réfugié. Et donc entre l’inscription sur le nouveau site et la convocation à venir se déclarer réfugié, il fallait attendre plusieurs semaines. Et pendant ce temps, les ‘candidats à la déclaration d’asile’ n’étaient pas demandeurs d’asile et ne pouvait donc pas être hébergé par Fedasil. Il leur restait la rue, parfois pendant plus d’un mois. Bref, ce nouveau système s’est révélé inefficace et nocif. Si les agents de l’Office des étrangers étaient certes protégés des risques de contamination, les candidats réfugiés, laissés sans logement et nourriture pendant plusieurs semaines présentaient un danger sanitaire potentiel pour eux-mêmes et pour autrui. Aux termes d’une ordonnance qui jongle en finesse avec les concepts compliqués qui organisent l’asile et l’accueil,en droit interne, comme en droit européen, le tribunal constate que le délai entre l’inscription sur le site internet ad hoc et le rendez-vous donné à l’Office des étranger est illégal et attentatoire aux droits subjectifs des demandeurs [d’asile] de vivre dignement, lesquels sont pourtant protégés par l’article 3 de la loi accueil et l’article 1 de la Charte des droits fondamentaux. En foi de quoi, le tribunal condamne l’Etat, sous astreinte, à prendre les mesures appropriées pour mettre un terme à l’impossibilité pour les demandeurs d’asile de solliciter l’aide matérielle prévue par la loi accueil dès la présentation de leur demande. On relèvera aussi une analyse fouillée de la compétence que tire l’OBFG de l’article 495 CJ à agir en justice pour la défense d’intérêts collectifs et non seulement pour son intérêt personnel. Et on attendra, non sans appréhension les nouvelles mesures à mettre en place par l’Office des étrangers. Les premiers échos ne sont guère rassurants. Affaire à suivre…

 

Jean-Marc Picard,
Président de la commission de droit des étrangers d’AVOCATS.BE

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