Papiers d’identité par Jean-Pierre Versini-Campinchi

"« C’est le fils de Pierre ». Jamais je n’entendrai aucune question du style : « Et la mère, c’est qui ? », ou encore : « Comment se fait-il qu’il soit si basané, ce petit garçon ? » Il est vrai qu’avec des cheveux bouclés et noirs, si je ne ressemble pas tout à fait à un Antillais classique, on pouvait me confondre facilement avec un Marocain ou un Tunisien. Mais la question n’est pas posée et elle ne l’a jamais été. Très difficile dès lors d’émettre un doute sur son identité.
Je suis le fils de Pierre.

Pierre est corse.

Je suis corse.

Point barre."

Quel curieux pedigree que celui de Jean-Pierre Versini-Campinchi ! Corse par un père qui fut avocat et faux-monnayeur et qui lui fit six demi-sœurs avec cinq autres femmes que sa mère, Antillais par sa mère, picard par le lieu où il vécut sa petite enfance, africain aussi, un peu, parce qu’il y passa plus de quatre années pendant sa jeunesse. Mais donc corse avant tout, comme ce grand-père, César Napoléon Sampiero Campinchi qui, entre les deux guerres, fut un des ténors du barreau de Paris, membre du conseil de l’Ordre, puis garde des sceaux et ministre de la marine de guerre.

De cette ascendance, il garde une ouverture à l’autre exceptionnelle, une aversion profonde pour toute forme de communautarisme et le culte du métissage à la française. Comme les corses, les vrais, ceux qui ne peuvent comprendre que l’on oppose leurs deux identités : ils sont corses et ils sont français. L’un ne va pas sans l’autre.

« Même aujourd’hui, soixante-dix ans plus tard, lorsque je dis « ma sœur »,  je parle d’elle, les suivantes je les appelle par leurs prénoms.

Elle s’appelle Myriam. Elle est avocate à Paris aujourd’hui, rien de surprenant puisqu’en cent trente ans environ, nous cumulons deux cent ans d’avocature familiale au barreau de Paris. »

Même si, à ce petit jeu, je gagne largement[1], pareil atavisme ne peut que marquer son homme. Jean-Pierre Versini-Campinchi est donc avocat jusqu’au bout des ongles et les quelques belles affaires qu’il nous raconte montrent qu’il a le droit – et la haine de l’injustice – chevillé au corps.

Les dossiers qu’il évoque – l’Angolagate, le Buffalo Grill et l’arrêt … Versini-Campinchi de la Cour européenne des droits de l’homme – en témoignent. Le dernier peut-être plus encore que les autres, car il montre sa grandeur. Sa collaboratrice, au sortir d’une audition de cadres de l’entreprise Buffalo Grill (à laquelle elle n’a pas assisté – nous sommes en 2001, avant Salduz), prend contact téléphoniquement avec le patron du groupe pour lui rendre compte de la situation. Celui-ci est sur écoutes et la collaboratrice est accusée de violation du secret professionnel. L’affaire tournera mal et la Cour de Strasbourg confirmera la sanction disciplinaire. Un arrêt discutable… Mais l’exceptionnel est que Jean-Pierre Versini-Campinchi sera condamné avec sa collaboratrice car, ne souhaitant pas laisser celle-ci seule face à ses pairs, il avait prié le bâtonnier de le poursuivre en même temps qu’elle.

De cet ouvrage, je retiens cependant plus la première partie, consacrée au parcours de cette étonnante famille toujours en voie de recomposition, que la seconde, où il nous parle de ses combats, finalement à l’image de la plupart des avocats qui, aujourd’hui, publient leurs mémoires.

Quelle étonnante leçon que nous donnent ces six femmes, ces six sœurs et ce frère, qui vivent en harmonie au-delà de leurs différences.

L’ouvrage, par ailleurs écrit d’une plume alerte et fluide, se clôt d’une façon particulièrement originale, voire filiale. La mère de Jean-Pierre, Marcelle, qu’il admire énormément, était une littéraire et, elle a passé sa vie à noircir des feuilles. Beaucoup de correspondances mais aussi de courts poèmes en prose, qui seraient totalement restés dans l’oubli, si son fils n’en avait pas reproduit quelques-uns, écrits en 1942-1943, pendant les années d’exil, à la fin de son livre.

"Je sais. Je sais bien. Ce qui compte, c’est la vérité.

Mais est-ce ma faute, à moi, si la vérité se confond avec nos paysages et le mensonge avec l’envahisseur ? Si pour moi la pire ignorance est l’exil et la connaissance finale notre maison ? J’embrouille tout parce que je pense à toi. Sans doute un tour de mes larmes. »

 

Patrick Henry,
Ancien Président

[1] A peu près deux cent cinquante années d’avocature en un siècle au barreau de Liège…

A propos de l'auteur

Henry
Patrick
Ancien Président d'AVOCATS.BE

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