Les avocats et la visio

Rapport du groupe de travail Visio de la commission informatique d’AVOCATS.BE

 
Introduction

La crise sanitaire a entraîné un confinement qui a obligé chacun, dans sa vie privée et dans sa vie professionnelle, à rechercher un autre moyen de communiquer que les réunions en présentielle.

La visio-conférence s’est donc imposée, par la nécessité, sans nécessairement que l’étude préalable n’ait pu être faite sur les conditions dans lesquelles la pratique de la visio-conférence se faisait.

Plusieurs membres de la commission informatique ont accepté de s’engager dans un groupe de travail réfléchissant à cette problématique. Qu’ils en soient ici remerciés.[1]

Les rapports du groupe de travail sont référencés ici [2].[3]

Nous sommes actuellement en période de déconfinement.

Nos travaux ne perdent pas pour autant leur utilité.

Il se peut en effet que d’autres circonstances amènent à nouveau à une utilisation intensive de la visio-conférence.

Ensuite et surtout, on pressent bien que l’usage de la visio-conférence va demeurer comme une pratique courante, notamment pour les avocats.

Le groupe de travail a distingué l’utilisation de la visio-conférence dans le cadre d’audiences (judiciaire ou administrative), et l’utilisation de la visio-conférence dans la pratique de l’avocat, pour des réunions ou des consultations.

1. Les audiences en visio-conférence

L’utilisation de la visio-conférence pour la tenue d’audiences n’est pas née avec la pandémie COVID.

Cela fait partie de la volonté des Ministres de la Justice depuis plusieurs années de favoriser l’utilisation de la visio-conférence, dans une perspective d’économie de moyens.

AVOCATS.BE a introduit (avec fruits) plusieurs recours contre une utilisation qu’il considérait abusive de la visio-conférence et continuera à être vigilant sur ce sujet.

Lors du premier confinement, l’arrêté royal du 9 avril 2020 a permis la tenue d’audience en visio-conférence.

L’Etat belge a fait l’acquisition de licences d’utilisation du système de visio-conférence WEBEX, distribué par la société américaine CISCO.

La disposition précitée a cessé de produire ses effets le 17 juin 2020.[4]

A l’automne 2020, le cabinet du Ministre de la Justice a préparé un avant-projet de loi portant sur des dispositions diverses temporaires structurelles en matière de Justice dans le cadre de la lutte contre la propagation du CORONAVIRUS COVID- 19.

Le projet de loi déposé au Parlement le 25 novembre 2020 ne comprenait plus le chapitre relatif à la comparution par vidéo conférence qui était dans l’avant-projet initial.

Il semble toutefois bien que la volonté politique d’un recours large à la visio-conférence pour certaines audiences demeure, et devrait être traduite dans un nouveau projet de loi.

Il est à noter que la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme ne pose pas une interdiction de principe à l’utilisation de la visio-conférence dans les audiences, même en matière pénale, mais exige le respect d’un certain nombre de conditions (dialogue privé entre le justiciable et son avocat, possibilité pour l’avocat d’être dans la salle avec le magistrat,…).

On lira avec intérêt l’analyse des différents arrêts de la Cour Européenne des Droits de l’Homme dans l’article de Jacques ENGLEBERT, précité.

Il est à noter que la Cour Européenne des Droits de l’Homme a prononcé un nouvel arrêt dans le même sens ce 8 juin 2021 (DIJKHUIZEN V. THE NETHERLANDS).

Le CEPEJ (Commission Européenne Pour l’Efficacité de la Justice), qui dépend du Conseil de l’Europe, a déposé en date du 23 avril 2021 des « draft guidelines of videoconferencing in judicial proceedings »[5]

Dans l’appréciation de toute disposition sur le sujet, on pourra également se référer utilement aux lignes directrices du CCBE sur l’utilisation des outils de travail à distance par les avocats et les procédures judiciaires à distance, du 27 novembre 2020[6].

Un des intérêts de ce document est que le CCBE a procédé à une analyse des principaux outils de visio-conférence disponibles et utilisés.

La visio-conférence a aussi permis à un membre du groupe de travail de suivre une formation organisée par le Barreau du Québec sur l’utilisation de MICROSOFT TEAMS pour les audiences.

Cet outil est en effet utilisé par l’Etat canadien et semble donner satisfaction, dans un pays où les distances peuvent parfois être très importantes.

Il est à noter que le principe de publicité des audiences est respecté par l’existence d’un site internet des Cours et Tribunaux qui reprend les salles d’audience virtuelles dans lesquelles chaque citoyen peut aller se connecter sur une audience en cours, si celle-ci est publique.

Comme indiqué ci-dessus, l’Etat belge a fait le choix de la plate-forme WEBEX, de CISCO.

Isabelle ANDOULSI a fait une analyse détaillée des caractéristiques de la plate-forme sur base des documents qui nous avaient été transmis par le cabinet du Ministre.

Cette analyse très critique et confirmée par la commission peut être lue dans le procès-verbal du groupe de travail du 29 janvier 2021.

Selon des informations non confirmées, l’Etat belge s’apprêterait à changer de fournisseur.

En conclusion

Nous demeurons dans l’attente de voir quelles nouvelles dispositions législatives seront proposées pour les audiences en visio-conférence et AVOCATS.BE demeura vigilant.

Il faudra vérifier également quel outil l’Etat belge choisira,  et vérifier la compatibilité de cet outil avec les exigences légales et réglementaires, y compris au niveau européen.

2. Réunions et consultations en visio

Les réunions et consultations que les avocats peuvent avoir avec des confrères ou avec leurs clients ont des exigences spécifiques, qui n’existent pas nécessairement pour les audiences en visio-conférence.

Il faut notamment s’assurer du respect du RGPD, de respect de la confidentialité, et du respect du secret professionnel lorsque celui-ci peut être mis en cause.

A cet égard, on se réfèrera utilement aux lignes directrices du CCBE, déjà citées.

A l’instar de ce qu’a fait le CCBE, l’avocat qui recourt à un outil de visio-conférence doit se poser les questions du responsable du traitement, du lien d’hébergement des données, du cryptage des données, des obligations de la société gestionnaire la plate-forme (Cloud Act applicable aux sociétés américaines), …

Le groupe de travail a eu une démonstration d’une start up lyonnaise qui a lancé un produit appelé « visio-avocats » (www.visio-avocats.com).

Un tel outil présente des avantages indéniables en ce qui concerne les fonctionnalités présentes (possibilité de prendre des notes pendant la consultation, établissement automatique d’un rapport au terme de celle-ci,…) et de la sécurité (cryptage, hébergement en France et en Irlande, …).

Les inconvénients sont liés à la jeunesse du système et au fait qu’il est encore peu répandu, ainsi qu’à son coût. (voir procès-verbal de la réunion du 12 mars 2021).

En conclusion

La tendance nette est à l’utilisation des leaders du marché, mais il relève de la responsabilité individuelle de chaque avocat de s’assurer du respect des obligations qui sont les siennes en matière de protection des données, de confidentialité, et de secret professionnel.

L’avocat se référera utilement aux documents joints, particulièrement aux Lignes directrices du CCBE.

 

[1] Les participants au groupe de travail sont remerciés : Isabelle ANDOULSI, Jacques ENGLEBERT, Laurent WINKIN, Marc ISGOUR, Geoffroy CRUYSMANS, Jean François LEDOUX, Benjamin JENNES, Stéphane BOONEN, Olivier HAENECOUR – avec l’apport de Jean François HENROTTE
[2]Rapport du 29 janvier 2021
[3]Rapport du 12 mars 2021
[4]Voir article de Jacques ENGLEBERT : continuité de la Justice et respect des droits humains en temps de pandémie, numéro 28
[5]Draft guidelines of videoconferencing in judiciail proceedings
[6]Lignes directrices du CCBE sur l’utilisation des outils de travail à distance par les avocats et les procédures judiciaires à distances – 27/11/2020

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