Interview - Vincent Van Quickenborne, Ministre de la Justice

A l’entame de votre mandat de ministre de la Justice, pourriez-vous préciser très brièvement les grands axes de votre note de politique générale en insistant sur ce que vous considérez comme prioritaire ?

Il y a 3 mots clés. La justice doit devenir plus rapide, plus humaine et plus ferme. Une justice rapide signifie avant tout une justice moderne. Pensez à nos palais de justice, à nos prisons. Il faut les adapter aux besoins du XXIe siècle, il y a pas mal de marge d’amélioration. Nous devons nous efforcer de construire des bâtiments dans lesquels les personnes aiment se rendre, où les avocats, les magistrats et le personnel judiciaire aiment travailler. En outre, nous devons à présent passer à la vitesse supérieure en matière de numérisation. La justice sera numérique ou ne sera pas. Une justice humaine est une justice qui est juste et qui est là pour tous. Nous devons accorder plus d’attention aux personnes vulnérables, aux victimes, aux personnes souffrant d’addiction. Humaine signifie également se concentrer pleinement sur une détention humaine. 95 % des détenus sont libérés un jour. Je veux que l’on se concentre dès le premier jour de prison sur la réintégration dans la société. Les peines doivent avoir du sens afin que les personnes deviennent meilleures à leur sortie de prison et que le nombre de récidives puisse diminuer. Une justice ferme est une justice résolue. Je veux une justice particulièrement réactive. Les peines infligées doivent être exécutées. Nous devons déployer la procédure de comparution immédiate dans tout le pays. Je veux également m’attaquer aux codes. Le droit pénal et le droit de la procédure pénale seront réformés et nous allons travailler à un code pour l’application des peines.

Vous croyez que vous réussirez ? Quelle sera votre approche ?

Je suis absolument convaincu que cela peut réussir. Je sais qu’il existe un certain scepticisme chez certains. On se demande si « la Justice est en mesure de le faire ». Je crois vraiment que c’est le cas. En effet, il y a énormément de talents au sein de la Justice, les collaborateurs font preuve d’une grande détermination pour aller de l’avant. Je constate également cette détermination chez les avocats. Il y a un sentiment de « c’est maintenant ou jamais ». Dès lors, je suis très ambitieux mais en même temps réaliste. Je veux élaborer des objectifs concrets en vue d’améliorer la justice. Et en outre redonner confiance et fierté aux acteurs de terrain. Une meilleure justice commence par la confiance dans la Justice elle-même. La Justice doit redevenir un employeur attractif. Je veux résolument être un homme de dialogue. Je veux être à l’écoute des besoins et des sensibilités qui se manifestent, je ne crois pas en une approche top-down stricte. Vous allez donc me voir souvent sur le terrain.  

Vous dites : « La justice sera numérique ou ne sera pas ». Qu’est-ce que ça signifie ?

La Justice est par essence un prestataire de services. Nos usagers, nos justiciables ont droit à un service moderne et efficace. À une époque où les citoyens peuvent organiser l’ensemble de leur vie en quelques clics de souris, la justice ne peut rester à la traîne. Ceci touche à ce qui constitue l’essence de ce que doit être un service moderne. Si nous voulons rester pertinents et continuer à gagner durablement la confiance de la population, nous devrons adopter un mode de fonctionnement et de travail entièrement numérisé.

Comment relever le défi ?

Mon objectif est de parvenir à 1 dossier entièrement numérisé, dans lequel tous les éléments numériques sont rassemblés et qui sera accessible via le portail unique Just-on-Web. Un certain nombre d’éléments sont prêts : E-deposit/DPA du côté de l’input, E-box et J-box du côté de l’output. Mais nous n’y sommes pas encore. Le programme de gestion MacH des cours et des tribunaux doit être amélioré dans un certain nombre de domaines. Il faut plus d’unité, pour l’instant il y a encore trop de systèmes différents, à terme nous devons aboutir à un système de gestion uniforme. Je travaille à une feuille de route qui dessinera les différentes étapes de la stratégie. Dans ce cadre, nous devons viser à améliorer, simplifier et uniformiser. Je sais que les avocats en sont également demandeurs.

Quel rôle pour les avocats ?

Pour moi, les avocats sont des partenaires très importants dans la poursuite de la numérisation et de la modernisation de la Justice. Ce sont des entrepreneurs, ils veulent aller de l’avant. Bon nombre d’entre eux se rendent compte que pour eux l’avenir est également numérique. Ils recherchent la meilleure façon d’aider plus efficacement leurs clients dans l’ère numérique. De nombreux bureaux se réinventent, investissent dans de nouvelles méthodes de travail, de nouveaux outils, … les progrès sont impressionnants. La plateforme DPA fonctionne très bien. En effet, jamais autant d’arrêts et de requêtes n’ont été déposés que l’année dernière. Je m’attends à ce qu’ils continuent à assurer ce rôle de pionnier. En ce qui concerne un certain nombre d’aspects de la profession (par ex. en matière disciplinaire), il y a également une marge pour améliorer et réformer des choses. Ensemble avec le barreau, je veux travailler à la poursuite de la modernisation. Nous allons le faire sur la base d’un dialogue fort, j’en attends beaucoup.

Le budget consacré à la Justice dans le programme du gouvernement se veut ambitieux. Même s’il ne pourra très rapidement combler les carences des budgets antérieurs, AVOCATS.BE a salué cet effort budgétaire. A quoi consacrerez-vous, prioritairement, cette augmentation budgétaire ?

Au moment de la formation du gouvernement, tous les partis étaient parfaitement conscients du fait que la justice avait d’urgence besoin de moyens supplémentaires. Nous savons tous que pendant des années la Justice a été traitée en parents pauvres. Dans un certain nombre de domaines, on a pu déplorer un certain arriéré mais je veux aller de l’avant. Des opportunités se présentent aujourd’hui. A présent, nous devons progresser. De quoi s’agit-il ? En 2024, la Justice disposera de manière structurelle de 300 millions d’euros supplémentaires par an dont 50 millions d’euros destinés à la numérisation. Nous suivons une trajectoire de croissance : 125 millions en 2021, 175 millions en 2022 et 225 en 2023. A l’occasion du contrôle budgétaire de mars 2021, les moyens supplémentaires pour 2021 seront répartis en fonction des priorités de ma politique : une justice rapide, humaine et ferme. Je m’engage à assurer un plan d’investissement solide qui donnera de l’oxygène à la Justice et la rendra plus forte.

En ces temps de Covid-19, quelles sont les mesures qui vous paraissent essentielles pour le monde de la justice ?

La Justice est un prestataire de services essentiel. Il faut veiller à tout moment à ce que la continuité du service ne soit pas compromise. Un certain nombre de mesures ont été prises durant la première vague du coronavirus. Pour la deuxième vague nous prenons également une série de mesures. Une partie trouve leur origine dans les lois corona et les AR de pouvoirs spéciaux déjà pris antérieurement comme notamment la gratuité pour les procurations chez le notaire, les prestations de serment écrites, l’extension temporaire des dépôts électroniques via E-deposit/DPA et la réduction temporaire des saisies chez les particuliers. Il apparaît qu’une nouvelle instauration ou un prolongement de ces mesures peut s’avérer utile. En outre, un certain nombre de mesures structurelles sont également prévues telles que la possibilité définitive de prestation de serment écrite pour e.a. les conseillers et les magistrats, et un ancrage légal pour la tenue d’assemblées générales de copropriétaires par la voie numérique. Le projet est actuellement à l’étude en Commission Justice à la chambre et l’objectif est que l’approbation puisse encore avoir lieu ce mois-ci en séance plénière au parlement.

Les avocats sont des acteurs de justice. Quel message, vous qui avez été avocat, souhaitez-vous adresser aux avocats et ce, plus particulièrement en cette période de crise ?

Les avocats sont avant tout des entrepreneurs. Ils vivent de très près les effets de la crise du coronavirus. Et je constate qu’en tant qu’entrepreneurs ils font preuve d’inventivité et d’une grande flexibilité dans leur approche de la crise sanitaire. Il s’agit d’un défi important mais les avocats le prennent à bras-le-corps. La relation avec les clients change, les attentes des clients et les dossiers qu’ils soumettent changent également. De même, au niveau de l’organisation même des bureaux, bon nombre de choses changent : les bureaux doivent se réinventer, doivent être organisés pour répondre aux normes corona, les bureaux doivent être réorganisés et désinfectés, la politique d’achat est modifiée tout comme la politique du personnel. C’est dans ce contexte que les avocats doivent aider à garantir le service essentiel que constitue la Justice. Et cet objectif est atteint. Je tiens donc tout d’abord à exprimer mon appréciation. Et ensuite je vous dirais simplement :  gardez le cap et restez créatifs!

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