EGDF – Atelier 11 : Droit International Privé

Etats généraux de la famille du 6 septembre 2018

Atelier : Droit International Privé

Présidente :  Milena LICCARDO (barreau de Bruxelles) ; Intervenants : Arnaud GILLARD et Frédéric LALIERE (barreau de Bruxelles) ;  Rapporteur :       Céline LEFEVRE (barreau de Bruxelles)

« Le droit des successions en droit international privé» (F. LALIERE)

Résumé :

  1. Règlement européen sur les successions – RSE

Le RSE date du 4 juillet 2012 et est entré en vigueur pour tous les décès qui interviennent à partir du 17 août 2015. Sont abandonnés le code de DIP et l’ancien système scissionniste qui consistait à scinder les successions mobilières auxquelles s’applique la loi de la résidence habituelle et les successions immobilières auxquelles s’applique la lex rei sitae, la loi du lieu de situation de l’immeuble. Le but du RSE est de réunifier le droit des successions et d’appliquer une seule loi à l’ensemble de la succession.

  • Le critère de primauté

Le RSE prévoit que le critère de primauté pour les successions est la loi de la résidence habituelle (notion factuelle) du défunt mais il existe des exceptions (article 21 §2 du RSE) qui nous permettent d’écarter ce droit.

Le RSE a une portée universelle.

  • Le choix de la loi applicable à sa succession

Le RSE permet de choisir la loi applicable à sa succession, par testament. Il accroit donc la liberté du défunt qui peut donc choisir par avance la loi qui sera applicable à sa succession; il ne peut s’agir que sa loi nationale ou la loi de sa résidence habituelle..

  • Applicabilité dans le temps du RSE

Le RSE est applicable à tous les décès à partir du 17 août 2015, ce qui mène à l’application d’un droit unique à l’ensemble de la succession. Si le décès est survenu avant le 17 août 2015, on applique alors le code de DIP de 2014 (scission entre la succession mobilière et la succession immobilière).

  • Certificat successoral européen

Le notaire peut dresser cet acte équivalent à un acte d’hérédité mais qui n’est pas un acte authentique puisqu’il ne constate que des faits et permet de débloquer directement les avoirs, peu importe le pays où ils se trouvent.

Quelques points de jurisprudence récente de la CJUE en DIP familial- A. GILLARD

 

  1. Définition de la résidence habituelle - Arrêts C111/17 – OL / PQ et C499/15 – WV / X

La détermination de la résidence habituelle d’un enfant dans un Etat membre donné exige à tout le moins que l’enfant ait été physiquement présent dans cet Etat membre. La seule volonté des parents d’y faire vivre l’enfant n’est pas suffisante. La seule circonstance que l’une des nationalités de l’enfant soit celle de cet Etat membre ne saurait suffire pour considérer que cet enfant y a sa résidence habituelle, au sens du Règlement n° 22/2003.

  1. Course à la saisine - Arrêts C507/14 - P / M ; C489/14 – A / B ; C173/16 – MH / MH et C499/15 – CW / X

Dans le cadre d’une course à la saisine, il faut pouvoir démontrer la primauté de sa saisine. Il est donc important de noter l’heure du dépôt de sa requête ou de son acte au greffe. S’il y a un préalable obligatoire à la procédure (telle une procédure de conciliation), la saisine est définie au moment du dépôt de cet acte préalable.

La saisine de la juridiction est effective dès le dépôt de l’acte introductif d’instance à condition que le demandeur n’ait pas négligé de notifier ou de signifier au défendeur par la suite. Ce qui doit être « sanctionné » c’est le manque de diligence du demandeur et non pas les lenteurs du système judiciaire du for.

La compétence s’apprécie au moment de la saisine et ne se maintient pas au-delà de la décision. La demande de modification est une nouvelle procédure et il convient de l’introduire devant les juridictions de la nouvelle résidence habituelle de l’enfant. Le mécanisme de la saisine permanente prend fin au moment du changement de résidence habituelle de l’enfant. Si on revient devant le juge avec un élément nouveau, il faut réexaminer les critères de la résidence habituelle de l’enfant à ce moment-là.

  1. La prorogation de compétence - Arrêt C436/13 – E / B

 Les règles de compétence sont conçues en fonction de l’intérêt supérieur de l’enfant. La dérogation à la règle générale de la résidence habituelle de l’enfant ne peut être prévue que dans des cas particuliers. La compétence prorogée ne demeure pas au terme de la procédure (décision coulée en force de chose jugée).

  1. Demande accessoire - Arrêt C184/14 – A / B

Une bonne administration de la justice indique qu’une demande d’aliments en faveur des enfants mineurs n’est pas nécessairement liée à l’action relative au divorce (compétence juridictionnelle : résidence actuelle ou ancienne des époux), et plutôt intrinsèquement liée à l’action en responsabilité parentale (compétence juridictionnelle : critère de proximité).

  1. Sortie de secours – Abus de droit- Arrêt C168/08 – HADADI

 En droit européen, il y a une évolution vers une reconnaissance du principe par la CJUE notamment par l’arrêt PALTTA du 2 mai 1996 (C206/94) et l’arrêt CENTROS du 9 mars 1999 (C373/1996).


Compte-rendu :

1. Droit interne

L’article 1208 §4 du Code judiciaire permet d’exclure de la masse certains biens qui sont situés à l’étranger. L’on se retrouve donc avec deux masses de partage, une masse « belge » et l’autre dont le tribunal belge n’est pas saisi. L’application de cet article n’est pas possible dans tous les cas[1].

À noter que si le bien exclu de la succession n’est pas déclaré à l’inventaire, il ne s’agit pas de recel successoral.

2. Règlement européen sur les successions – RSE

Le RSE date du 4 juillet 2012 et est entré en vigueur pour tous les décès qui interviennent à partir du 17 août 2015. Sont abandonnés le code de DIP et l’ancien système scissionniste qui consistait à scinder les successions mobilières auxquelles s’applique la loi de la résidence habituelle et les successions immobilières auxquelles s’applique la lex rei sitae, la loi du lieu de situation de l’immeuble.

Le but du RSE est de réunifier le droit des successions et d’appliquer une seule loi à l’ensemble de la succession. Ce n’est pas pour autant que la scission est définitivement abandonnée[2].

  • Le critère de primauté

Le RSE prévoit que le critère de primauté pour les successions est la loi de la résidence habituelle du défunt mais il existe des exceptions (article 21 §2 du RSE) qui nous permettent d’écarter ce droit.

Par exemple, un espagnol a vécu toute sa vie en Belgique où il y avait ses enfants, son travail, sa maison, etc. Un an avant son décès il part s’installer en Espagne. En vertu du RSE, la loi applicable serait la loi espagnole car c’est la loi de la dernière résidence habituelle du défunt. Toutefois, on pourrait appliquer une exception de l’article 21 et faire une appréciation de fait s’il a des liens plus ténus avec un autre Etat membre.

C’est une réelle question de fait. En l’occurrence, on pourrait tenir compte des enfants qui sont toujours en Belgique, des liens sociaux tissés, du siège de sa fortune.[3]

Le RSE a une portée universelle : on l’appliquera dès que le défunt aura sa résidence habituelle dans un état membre

  • Le choix de la loi applicable à sa succession

Le RSE permet de choisir la loi applicable à sa succession, par testament. Il accroit donc la liberté du défunt qui peut donc choisir par avance la loi qui sera applicable à sa succession.

Cette liberté de choix n’est pas infinie ; il ne peut s’agir que sa loi nationale ou la loi de sa résidence habituelle. Ce choix n’aura que des conséquences au niveau civil qu’il n’aura pas nécessairement d’implication au niveau fiscal ou alors des implications fiscales indirectes dans la mesure où le futur défunt pourrait éventuellement choisir d’avantager l’un ou l’autre de ses héritiers en fonction du fait qu’il sera +/- taxé.

Sous l’égide de l’ancien droit, l’article 79 du code de DIP prévoyait qu’on peut faire choix de son droit pour autant que ce choix ne lèse pas les héritiers des droits dont ils pourraient bénéficier si le droit habituel s’appliquait.

Par exemple, le droit anglais ne connait pas la réserve héréditaire.

Sous l’égide de l’ancien droit, le belge n’aurait pas pu choisir le droit anglais malgré le fait qu’il s’agissait de son droit de résidence habituelle pour contourner le principe de la réserve. On serait retombé sur le droit belge.

Aujourd’hui c’est donc possible : on peut choisir son droit national même s’il porte atteinte à la réserve héréditaire qui est prévue par le droit applicable dans l’Etat de résidence habituelle du défunt[4].

Pourrait-on invoquer l’ordre publique international pour faire écarter un droit choisi ?

La réponse est non car cela entamerait le but du RSE qui est de donner un maximum de liberté au niveau du choix du droit applicable à sa succession.

En outre, il existe déjà des garde-fous dans le RSE puisque le défunt ne peut pas choisir n’importe quel droit « exotique » mais son choix est cantonné soit à son droit national soit au droit de sa résidence habituelle.

  • Applicabilité dans le temps du RSE

Le RSE est applicable à tous les décès à partir du 17 août 2015, ce qui mène à l’application d’un droit unique à l’ensemble de la succession. Si le décès est survenu avant le 17 août 2015, on applique alors le code de DIP de 2014 (scission entre la succession mobilière et la succession immobilière).

  • Certificat successoral européen

Le notaire peut dresser cet acte équivalent à un acte d’hérédité mais qui n’est pas un acte authentique puisqu’il ne constate que des faits et permet de débloquer directement les avoirs, peu importe le pays où ils se trouvent.

Il n’existe pas de base légale, pas de recours pour faire invalider ce certificat européen. Il s’agit d’une décision administrative.

  • Possibilité de choisir un droit « scissionniste » dans le cadre du RSE

Dans le cadre du choix du droit applicable à sa succession, est-il possible de « panacher » le droit que l’on voudrait voir appliquer à sa succession (appliquer son droit national à certains biens et le droit de la résidence habituelle à d’autres biens ?)[5]

La réponse apportée est NON, on ne peut pas « panacher ».

Par contre, si un québécois habite en Belgique, on peut appliquer le RSE qui donnera lieu à l’application du droit québécois qui est un droit scissionniste. On pourrait donc utiliser le droit européen pour sortir du RSE et retourner vers un droit scissionniste. Il s’agit donc d’un effet indirect.

 

Quelques points de jurisprudence récente de la CJUE en DIP familial- A. GILLARD

 

  1. Définition de la résidence habituelle – jurisprudence récente 

 Arrêt C111/17 – OL / PQ

Faits  : une maman va accoucher dans un Etat défini et reste un mois ou deux là-bas et refuse de rentrer. Elle saisit les juridictions locales et on lui oppose qu’il ne s’agit pas des juridictions du lieu de résidence habituelle de l’enfant. La Cour décide que l’intention des parents est relative et que la notion de résidence habituelle est une notion factuelle. La résidence est là où se trouve l’enfant et non pas le pays dont il provient ou dont les parents proviennent.

Donc, si une maman enceinte rompt et va accoucher dans un autre Etat membre, elle détient le pouvoir absolu de choisir la résidence habituelle factuelle de l’enfant, peu importe l’accord ou non du papa sur la résidence habituelle de l’enfant.

Conclusions : l’intention des parents est devenue une notion relative subalterne et la détermination de la résidence habituelle prime l’examen de l’existence d’une autorité parentale conjointe.

Il faut donc raisonner en deux temps : la première question à se poser est de savoir où se trouve la résidence habituelle de l’enfant, ce qui est exclusivement une notion factuelle et la deuxième question à se poser est le fait de savoir si, dans le droit de cet Etat membre, une question d’autorité parentale conjointe peut se poser.

Arrêt C499/15 – WV / X

L’enseignement à tirer de cet arrêt est que la détermination de la résidence habituelle d’un enfant dans un Etat membre donné exige à tout le moins que l’enfant ait été physiquement présent dans cet Etat membre. La seule volonté des parents d’y faire vivre l’enfant n’est pas suffisante.

La seule circonstance que l’une des nationalités de l’enfant soit celle de cet Etat membre ne saurait suffire pour considérer que cet enfant y a sa résidence habituelle, au sens du Règlement n° 22/2003.

Que se passe-t-il si un enfant dans le cadre d’un hébergement égalitaire vit une semaine en France et une semaine en Belgique, l’enfant habitant à la frontière ?[6]

Il faut retomber sur des règles subsidiaires et se référer au centre des intérêts des enfants comme leur école, leur domicile … et pouvoir déterminer la plus grande proximité avec l’un ou l’autre des pays.

  1. Course à la saisine

 Définition de la saisine (l’article 16 du Règlement Bruxelles IIbis) : une juridiction est réputée saisie[7] :

  1. à la date à laquelle l’acte introductif d’instance ou un acte équivalent est déposé auprès de la juridiction, à condition que le demandeur n’ait pas négligé par la suite de prendre les mesures qu’il était tenu de prendre pour que l’acte soit notifié ou signifié au défendeur ;
  2. ou si l’acte doit être notifié ou signifié avant d’être déposé auprès de la juridiction, à la date à laquelle il est reçu par l’autorité chargée de la notification ou de la signification, à condition que le demandeur n’ait pas négligé par la suite de prendre les mesures qu’il était tenu de prendre pour que l’acte soit déposé auprès de la juridiction.

Dans le cadre d’une course à la saisine, il faut pouvoir démontrer la primauté de sa saisine. Il est donc important de noter l’heure du dépôt de sa requête ou de son acte au greffe.

S’il y a un préalable obligatoire à la procédure (telle une procédure de conciliation), la saisine est définie au moment du dépôt de cet acte préalable.

Arrêt C507/14 - P / M

La saisine de la juridiction est effective dès le dépôt de l’acte introductif d’instance à condition que le demandeur n’ait pas négligé de notifier ou de signifier au défendeur par la suite.

Que signifie « ne pas négliger » ? : le demandeur qui dépose sa requête et qui, deux mois plus tard, se charge de notifier ou de signifier au défendeur celle-ci, ne commet pas une négligence. On peut, par exemple, déposer la requête, aller en médiation ou négocier et ne pas mentionner dans le cadre de ces négociations, qu’une procédure est introduite. Il ne s’agit pas d’une négligence.

La situation serait différente si, dans le cadre d’un mariage, le lendemain de ce dernier, l’on déposait une requête en divorce et attendre que les choses se gâtent pour pouvoir la notifier ou la signifier. Dans ce cas-là, il y aurait effectivement négligence.

Arrêt C489/14 – A / B

Faits : Des époux A et B sont français, vivant au Royaume-Uni. Le 30 mars 2011, Mr B introduit une requête en séparation de corps en France. Le 15 décembre 2011, il y a une ordonnance de non-conciliation (dans la procédure française, il y a trente mois pour assigner). Le 13 juin 2014, Mme A introduit une demande en divorce au Royaume-Uni. Le 16 juin 2014 à minuit, on constate la caducité de la procédure française. Le 17 juin 2014 à 8h20, heure française (7h20 heure anglaise), Mr B introduit une demande en divorce en France.

Conclusions : les juridictions du Royaume-Uni deviennent les premières saisies de par la procédure qui a été introduite par Mme au Royaume-Uni le 13 juin 2014 dans la mesure où la procédure qui avait été introduite en France par Mr le 30 mars 2011 a disparu par caducité le 16 juin 2014.

Cet arrêt est contradictoire avec le premier arrêt cité car il y a une continuité entre la procédure préalable et la procédure au fond. Si Mr avait introduit plus tôt son action, à savoir le 13 ou le 14, soit avant le 16 qui constate la caducité de la procédure française, les juridictions françaises seraient restées les premières saisies.

Cet arrêt n’a pas tenu compte des éléments suivants :

  • le manque de diligence du demandeur dans le cadre de la première procédure ;
  • l’extinction survenue très peu de temps avant l’introduction d’une troisième procédure devant une juridiction du premier Etat membre ;
  • le décalage horaire permettant d’introduire un recours en France avant de le faire au Royaume-Uni.

Arrêt C173/16 – MH / MH

Faits : dans le cadre de la procédure anglaise qui est introduite par Mme MH :

  • le 7 septembre 2015, 7h53, requête en divorce reçue par le greffe
  • le 7 septembre 2015, au plus tard 10h30, cachet apposé sur la requête
  • le 11 septembre 2015, requête délivrée par le greffe
  • le 15 septembre 2015, requête notifiée à Mr MH

Dans le cadre de la procédure irlandaise introduite par Mr MH :

  • le 1er septembre 2015, vers 14h30, assignation en séparation de corps déposée au greffe
  • le 7 septembre 2015, un peu après, requête délivrée par le greffe
  • le 9 septembre 2015, requête notifiée à Mme MH

La question est ici de savoir ce qui prime, soit le dépôt de la requête au greffe, soit la notification qui est faite à Mr ou Mme MH ?

Conclusions : Ce qui doit être pris en compte et « sanctionné » c’est le manque de diligence du demandeur et non pas les lenteurs du système judiciaire du for. Ce sont donc bien les juridictions du Royaume-Uni qui sont les premières saisies même si le greffe a tardé à notifier la requête à Mr MH.

Arrêt C499/15 – CW / X

Faits : l’épouse X qui est de nationalité néerlandaise et argentine et l’enfant V qui est de nationalité lituanienne et italienne ont leur résidence habituelle aux Pays-Bas. L’époux W, qui est de nationalité lituanienne a  sa résidence habituelle en Lituanie.

Une procédure en divorce lituanienne est initiée par W qui demande que la résidence de l’enfant soit fixée chez X, un droit de visite pour W et de fixer une contribution alimentaire de W envers l’enfant V.

Une procédure néerlandaise est initiée par X qui sollicite une garde exclusive de l’enfant V par X et fixer une pension alimentaire due par W envers X et envers l’enfant V.

Les juridictions refusent mutuellement de reconnaitre l’autre décision.

X introduit une demande de modification de la décision auprès de la juridiction lituanienne pour cause de circonstance nouvelle.

La juridiction lituanienne pose une question préjudicielle à la Cour de justice : « Les juridictions de l’Etat membre qui ont adopté une décision passée en force de chose jugée en matière de responsabilité parentale et d’obligation alimentaire concernant un enfant mineur demeurent-elles compétentes pour statuer sur une demande de modification des dispositions arrêtées par cette décision, alors même que la résidence habituelle de cet enfant est situé sur le territoire d’un autre Etat membre ? ».

Conclusions : non, la compétence s’apprécie au moment de la saisine et ne se maintient pas au-delà de la décision. La demande de modification est une nouvelle procédure et il convient de l’introduire devant les juridictions de la nouvelle résidence habituelle de l’enfant. Le mécanisme de la saisine permanente prend fin au moment du changement de résidence habituelle de l’enfant. Si on revient devant le juge avec un élément nouveau, il faut réexaminer les critères de la résidence habituelle de l’enfant à ce moment-là.

  1. La prorogation de compétence

  Arrêt C436/13 – E / B

Faits : le père est espagnol et la mère est anglaise. Ils résidaient en Espagne jusqu’à la séparation. La mère déménage avec l’enfant commun au Royaume -Uni.Il y a un accord entre le père et la mère concernant la garde de l’enfant par la mère et le droit de visite du père homologué par les juridictions espagnoles.

La mère saisit les juridictions anglaises d’une demande de réduction du droit de visite du père.

La juridiction anglaise pose plusieurs questions préjudicielles à la Cour de Justice cherchant à savoir si la prorogation de compétence sur lesquelles les parties avaient marqué leur accord perdurent au-delà de la décision qui est coulée en force de chose jugée.

Conclusions : Les règles de compétence sont conçues en fonction de l’intérêt supérieur de l’enfant. La dérogation à la règle générale de la résidence habituelle de l’enfant ne peut être prévu que dans des cas particuliers. La compétence prorogée ne demeure pas au terme de la procédure. En d’autres termes, l’acceptation par les parties de la prorogation de compétence prend fin au moment où la décision est coulée en force de chose jugée. S’il y a une nouvelle demande à porter devant les mêmes juridictions, il faudra qu’il y ait un nouvel accord des parents sur la prorogation de compétence.

  1. Demande accessoire

 Arrêt C184/14 – A / B

Faits : Les époux A et B et leurs deux enfants sont ressortissants italiens et résident au Royaume-Uni.

A introduit une action en Italie. Les juridictions italiennes se déclarent compétentes concernant la séparation et les aliments entre époux et se déclarent incompétentes concernant la responsabilité parentale et les aliments à l’égard des enfants. A introduit une action en Angleterre concernant l’exercice de la responsabilité parentale.

La Corte Suprema de Cassation en Italie pose une question préjudicielle à la Cour de justice : « lorsque deux juridictions des Etats membres sont saisis simultanément, l’une de la demande de séparation et, l’autre, d’une demande de responsabilité parentale, comment est traitée la demande des aliments pour les enfants ? soit elle est l’accessoire de la première demande de séparation et, dès lors, l’Italie serait compétente, soit elle reste l’accessoire de la demande en responsabilité parentale et, dès lors, l’Angleterre serait compétente ? »

Conclusions : Il y a lieu de tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant. Une bonne administration de la justice indique qu’une demande d’aliments en faveur des enfants mineurs n’est pas nécessairement liée à l’action relative au divorce (compétence juridictionnelle : résidence actuelle ou ancienne des époux), et plutôt intrinsèquement liée à l’action en responsabilité parentale (compétence juridictionnelle : critère de proximité).

  1. Sortie de secours – Abus de droit

 En droit interne, l’abus de droit est un principe général qui est reconnu par la Cour de Cassation belge.

Il s’agit de la sanction de l’exercice d’un droit dans des conditions anormales, notamment l’intention de nuire à la partie adverse ou le choix de la voie la plus dommageable pour autrui. En droit européen, il y a une évolution vers une reconnaissance du principe par la CJUE notamment par l’arrêt PALTTA du 2 mai 1996 (C206/94) et l’arrêt CENTROS du 9 mars 1999 (C373/1996).

 Arrêt C168/08 – HADADI

Faits : Les époux MESCO et HADADI, hongrois et naturalisés français, ont la double nationalité. Ils sont mariés en Hongrie et ont vécu là-bas pendant un an. Ils vivent en France depuis 22 ans. Mr HADADI introduit une requête en divorce en Hongrie, sur base de la nationalité commune des époux (article 3 §1er du Règlement Bruxelles IIbis). Mme MESCO saisit les juridictions françaises. Le divorce est prononcé en Hongrie.

La Cour de Cassation française pose plusieurs questions préjudicielles à la Cour de justice demandant, en substance : « Deux époux possédant une double nationalité sont-ils tenus de saisir de leur demande en divorce le fort le plus naturel, le plus proche est celui de la nationalité la  « plus effective » ou les fors de leurs deux nationalités sont-ils sur un pied d’égalité ? » En d’autres termes, Mr HADADI a-t-il abusé de son droit en introduisant une procédure de divorce en Hongrie sur base de la nationalité commune des époux alors que les époux vivent en France depuis 22 ans ?

Conclusions : La Cour estime qu’en l’espèce il n’y a pas d’abus de droit car l’article 3 du Règlement Bruxelles IIbis prévoit le choix entre les critères de rattachement et que, en l’espèce, il n’y a pas de contournement du droit d’option car la volonté de Mr HADADI est d’obtenir une décision. Il pourrait par contre y avoir un abus de droit si la volonté de Mr HADADI était uniquement d’empêcher la survenance d’une décision.

 

[1] Par exemple, un immeuble est situé en Espagne, il doit être intégré à la masse car l’héritier qui veut demander de le sortir de la masse l’a reçu à titre de donation. Or, pour définir la masse 922, il faut pouvoir connaitre la valeur de la donation et donc de l’immeuble en Espagne.

En revanche, dans le cadre d’une succession Belgo-Turque, les parties possédaient un immeuble en Turquie. Cet immeuble était construit en infraction urbanistique et les autorités turques locales avaient intenté un procès afin de détruire l’immeuble. Les calculs du notaire sont en l’espèce dépendants de l’issue du procès en Turquie.

[2] Par exemple, pour un défunt belge qui était résidant à Monaco, on fait application du DIP monégasque qui prévoit que la succession mobilière est régie par la loi nationale du défunt (droit belge) tandis que la succession immobilière est régie par la lex rei sitae (droit monégasque).

[3] On peut envisager le même cas de figure avec un espagnol qui retourne en Espagne mais l’appréciation du Tribunal a prestation aurait pu être différente estimé qu’il s’agit d’un expatrié qui revient dans le pays d’origine et dès lors appliquer le droit du lieu de la résidence habituelle (droit espagnol).

 

[5] Par exemple, un belge qui habite en Espagne a un immeuble en Allemagne, est-ce qu’il pourrait choisir le droit de la lex rei sitae donc le droit allemand à appliquer à la succession de son immeuble et éventuellement le droit espagnol ou le droit belge pour le restant de sa succession ?

 

[6] L’exemple donné est celui d’un couple qui sont musiciens internationaux. L’enfant a toujours suivi ses parents au gré de leurs concerts tout en étant établis en Suisse et, un jour, Madame décide de prendre l’enfant pour l’amener en Belgique. Mme HAYEZ, chargée du dossier, a estimé que l’enfant n’avait pas de résidence habituelle et que, dès lors, il ne pouvait pas s’agir d’un déplacement illicite.

[7] Le tribunal saisi vérifie d’office sa compétence (article 17 du Règlement Bruxelles IIbis).

 

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