Dans les coulisses du parlement belge – note du 20 mai 2019

  • Bilan du ministre de la justice

Koen Geens a publié un document intitulé « La Justice en transition : démonter petit à petit les clichés »., qui se veut un état des lieux, après quatre ans et demi de politique de réformes.

Le document a pour but de donner un aperçu des réalisations majeures du ministre de la justice et ce, pour tous les aspects de la justice.

En annexe du document est joint un inventaire par matière de toutes les lois et arrêtés royaux pris en matière de justice.

Le ministre évoque sa collaboration avec les Ordres communautaires d’avocats (v. p.65 et s.). On lit notamment ceci :

Les avocats ont été des partenaires pour la rédaction de textes de loi pour une justice financièrement plus accessible. Dans ce cadre, la nouvelle loi relative à l’aide juridique de deuxième ligne a vu le jour, et la nomenclature relative aux prestations des avocats a été profondément actualisée. En plus, le travail a également permis de préparer une assurance protection juridique fiscalement attrayante, à l’image de l’assurance maladie. Enfin, la collaboration entre les différentes professions juridiques en matière d’informatisation a été coulée dans un protocole en 2016. Dans ce cadre, plusieurs projets d’informatisation ont vu le jour » 

  • Mémorandum CSJ

Le Conseil supérieur de la Justice a approuvé son mémorandum pour un meilleur fonctionnement de la Justice. En synthèse, le CSJ y invite le monde politique à :

  1. Veiller à ce que le pouvoir judiciaire ait les cartes en main pour pouvoir s’organiser efficacement et rendre compte de sa gestion.
  2. Garantir qu’un meilleur service soit rendu au citoyen pour qu’il puisse être accueilli dans des palais de justice bien entretenus et disposant d’outils informatiques performants.
  3. Réformer l'ensemble du droit pénal en s’appuyant sur le travail déjà accompli.
  4. Faciliter l’accès à la justice en réduisant les obstacles financiers et en communiquant plus simplement.
  5. Rendre la magistrature plus attractive.

Lien vers le mémorandum:
http://www.hrj.be/sites/default/files/related-documents/memorandum2019-f.pdf

  • Assurance protection juridique

La loi du 22 avril 2019 visant à rendre plus accessible l'assurance protection juridique a été publiée au moniteur belge du 8 mai 2019.
http://www.etaamb.be/fr/loi-du-22-avril-2019_n2019041139.html

L’avis du Conseil d’Etat concernant l’arrêté royal fixant la nomenclature est attendu incessamment.

Pour rappel, cette loi prévoit une réduction d’impôt pour les primes d’assurances protection juridique qui répondent à un certain nombre de conditions en matière de risques couverts, de couverture minimale, de garanties et de délai d’attente.

Cette réduction d’impôt se substitue à l’exemption de taxe sur la prime d’assurance telle que prévue actuellement[1].

Le montant réduit de cette exemption (environ 13 euros) s’est en effet avéré trop limité pour faire augmenter sensiblement le nombre de contrats souscrits en matière d’assurance protection juridique.

Il fallait dès lors revoir le système[2].

Réduction d’impôt, couvertures plus larges et plafonds plus élevés pour les assurés

La nouvelle loi remplace donc l’exonération de la taxe par une réduction d’impôt beaucoup plus avantageuse (40 % de la prime avec un plafond de 195 euros), dans certaines conditions.

Les litiges couverts par ce nouveau produit sont étendus au divorce, au secteur de la construction, au droit des obligations contractuelles, au droit du travail, au droit fiscal, au droit administratif…

Les plafonds de garanties sont plus élevés que dans la législation actuelle : 13.000€ minimum pour les litiges en matière civile et 13.500€ pour le droit pénal.

Ils peuvent cependant être réduits à 3.375€ par personne pour les divorces et 6.500€ pour le droit de la construction et le droit du travail.

La garantie couvre les honoraires des avocats, des huissiers, des experts, des conseillers techniques, des médiateurs, des arbitres et les frais de procédure et d’exécution.

Libre choix de l’avocat et honoraires

Le principe du libre choix de l’avocat pour l’assuré est maintenu.

La liberté de l’avocat de fixer ses honoraires reste entière.

Un arrêté royal à paraitre prochainement fixera toutefois des forfaits d’intervention par prestation car la garantie concernant les frais et honoraires des avocats ne sera prise en charge par l'assureur qu’à concurrence de ces montants. Tout dépassement des montants forfaitaires sera à charge du client.

L'avocat informera clairement son client de son engagement à respecter ou non les montants par prestation fixés par le Roi et des conséquences qui y sont attachées. Il en informera également simultanément l'assureur de protection juridique du client.

Le Code Judiciaire prévoira expressément que les forfaits d’intervention en assurance protection juridique (comme en aide juridique également) ne pourront jamais être pris en considération par les tribunaux pour se prononcer sur le caractère modéré ou non des honoraires d’avocats.

Cette loi sera évaluée tous les deux ans par les Ordres Communautaires et Assuralia.

Entrée en vigueur

La loi entrera en vigueur le 1er septembre 2019.

  • Création d’une banque de données des jugements et arrêts

 La loi du 5 mai 2019 modifiant le Code d'instruction criminelle et le Code judiciaire en ce qui concerne la publication des jugements et des arrêts a été publiée dans le moniteur belge du 16 mai 2019.

Lecture du seul dispositif

Partant du constat que le prononcé de l’intégralité de la décision en salle d’audience est dépassé, la loi prévoit de limiter le prononcé public des jugements et arrêts à la lecture du dispositif.

Cela a nécessité une révision de l’article 149 de la Constitution[3] puisque celui-ci prévoyait que les jugements étaient prononcés en audience publique. Désormais, l’article 149 de la Constitution prévoit que le jugement « est rendu public selon les modalités fixées par la loi. En matière pénale, son dispositif est prononcé en audience publique. »

Création d’une banque de données des jugements et arrêts

En contrepartie, le texte intégral des décisions sera enregistré dans une banque de données électronique des jugements et arrêts de l’ordre judiciaires, accessible au public.

Les décisions seront anonymisées.

Les modalités seront définies par arrêté royal. Il est indispensable que la banque de données soit conçue sur le modèle de l’ «open data », ce qui signifie que les données doivent être non seulement consultables mais également téléchargeables pour un traitement informatique et ce, afin de pouvoir être exploitées par l’intelligence artificielle.  (cfr. point 18 de notre mémorandum).

Entrée en vigueur

La loi entre en vigueur à une date déterminée par le Roi et au plus tard le 1er septembre 2020 

  • Preuve et acte d’avocat

La loi du 13 avril 2019 portant création d'un Code civil et y insérant un livre 8 « La preuve » a été publiée au moniteur belge du 14 mai 2019.

Création d’un nouveau Code civil

L’article 2 de la loi crée un Code civil, composé des livres suivants :

  • 1° livre 1er. Dispositions générales ;
  • 2° livre 2. Les personnes, la famille et les relations patrimoniales des couples ;
  • 3° livre 3. Les biens ;
  • 4° livre 4. Les successions, donations et testaments ;
  • 5° livre 5. Les obligations ;
  • 6° livre 6. Les contrats spéciaux ;
  • 7° livre 7. Les sûretés ;
  • 8° livre 8. La preuve ;
  • 9°livre 9. La prescription.

A compter de l'entrée en vigueur de la loi, le Code civil du 21 mars 1804 portera l'intitulé « ancien Code civil ».

Insertion d’un livre 8 « La preuve »

 

La structure du livre 8 est la suivante :

Chapitre 1er. Dispositions générales

  • Section 1. Définitions
  • Section 2. Caractère supplétif des règles relatives à la preuve
  • Section 3. L'objet de la preuve
  • Section 4. La charge de la preuve
  • Section 5. Degré de preuve
  • Section 6. Présomptions légales

Chapitre 2. L'admissibilité des modes de preuve

  • Section 1. Dispositions générales
  • Section 2. Exceptions à la preuve réglementée

Chapitre 3. Les modes de preuve

  • Section 1. La preuve par écrit signé
  • Sous-section 1. L'acte authentique
  • Sous-section 2. L'acte sous signature privée
  • Sous-section 3. Acte sous signature privée contresigné par les avocats des parties
  • Sous-section 4. Autres écrits
  • Sous-section 5. Les copies
  • Section 2. La preuve par témoins

Section 3. La preuve par présomptions de fait

Section 4. L'aveu

Section 5. Le serment

 

L’acte d’avocat

L’article 74 de la loi abroge la loi du 29 avril 2013 relative à l'acte sous seing privé contresigné par les avocats des parties puisque ses dispositions sont déplacées dans le Code civil.

La sous-section 3 du chapitre 3 « Les modes de preuve » du livre 8 consacré à la preuve est intitulée « Acte sous signature privée contresigné par les avocats des parties ».

Elle contient un article unique, l’article 8.23 « Conditions et force probante de l'acte sous signature privée contresigné par les avocats des parties » rédigé comme suit :

« L'acte sous signature privée contresigné par les avocats conformément aux dispositions de la présente sous-section fait pleine foi de l'écriture et de la signature des parties à l'acte tant à leur égard qu'à l'égard de leurs héritiers ou ayants-cause.

L'acte est contresigné par les avocats de toutes les parties, chaque partie ayant un intérêt distinct devant être assistée par un avocat différent. La procédure de faux civil est, le cas échéant, applicable à cet acte.

Par son contreseing, l'avocat atteste avoir éclairé pleinement la ou les parties qu'il conseille sur les conséquences juridiques de cet acte. Il en est fait mention dans l'acte.

L'acte sous signature privée contresigné par les avocats de toutes les parties est, sauf disposition dérogeant expressément au présent article, dispensé de toute mention manuscrite exigée par la loi.

Sauf si l'acte contresigné par les avocats de toutes les parties est revêtu d'une signature électronique qualifiée au sens de l'article 3,12° du Règlement UE n° 910/2014[4](*) du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l'identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et abrogeant la Directive 1999/93/CE, celui-ci est établi au moins en autant d'originaux qu'il y a de parties ayant un intérêt distinct et d'avocats signataires ».

Entrée en vigueur

La loi entrera en vigueur le 1er novembre 2020.

  • Règlement de répartition des affaires du tribunal de première instance du Hainaut

Sur proposition du ministre de la Justice Koen Geens, le Conseil des ministres du 10 mai 2019 a approuvé un « projet d'arrêté royal fixant le règlement de répartition des affaires du tribunal de première instance du Hainaut et modifiant l’arrêté royal du 14 mars 2014 relatif à la répartition en divisions des cours du travail, des tribunaux de première instance, des tribunaux du travail, des tribunaux de l’entreprise et des tribunaux de police ».

Le projet prévoit :

  • la centralisation de certaines matières pénales soit dans une seule division, soit dans deux divisions
  • la centralisation des affaires civiles relatives à des dossiers de marché public au sein de la division de Charleroi pour l’ensemble de l’arrondissement

Une disposition est également prévue concernant la compétence des chambres du conseil.

Le projet est transmis pour avis au Conseil d'Etat.

[1] Voir article 176 ², 12° du Code des droits et taxes divers et arrêté royal du 15 janvier 2007 déterminant les conditions auxquelles doit répondre un contrat d'assurance protection juridique pour être exempté de la taxe annuelle sur les opérations d'assurance prévue par l'article 173 du Code des droits et taxes divers.

[2] Voir Editorial de la Tribune 151 du 21 mars 2019.

http://latribune.avocats.be/une-belle-avancee-pour-lacces-au-pretoire-des-classes-moyennes/

[3] Voir moniteur belge du 2 mai 2019.

[4] La référence à la loi du 9 juillet 2001, qui figurait dans la loi de 2013, a été remplacée par un renvoi au Règlement (UE) 910/2014 du 23 juillet 2014.

A propos de l'auteur

Laurence
Evrard
Responsable des actualités législatives

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