Afghanistan : réfugiés en Belgique et demande de visa depuis l’Afghanistan

AVOCATS.BE a participé ce 2 septembre à une réunion avec le cabinet Mahdi concernant la situation en Afghanistan et ses conséquences concrètes en ce qui concerne principalement les opérations d’évacuation et les futures demandes de visa.

Compte-rendu

Les opérations d’évacuation ont concerné les ressortissants Belges mais aussi des personnes en danger (notamment parce qu’ayant collaboré avec des autorités belges ou internationales). Ont ainsi pu être évacués :

  • 503 Belges et membres de leur famille ;
  • 270 Afghans porteurs d’un titre de séjour belge ;
  • 105 Afghans ayant collaboré avec les autorités belges ou internationales ;
  • 206 Afghans présentant un profil à risque.

Les personnes arrivées en Belgique via les opérations d’évacuation et ne disposant pas encore d’un titre de séjour ont été orientées vers les procédures de protection internationale et de regroupement familial.

Les opérations d’évacuation sont à présent terminées mais le cabinet a reçu …45.000 mails relatifs aux demandes d’évacuation et doit encore en traiter une grande partie.

En ce qui concerne les demandes, pendantes et futures, de regroupement familial, le cabinet annonce que les demandes seront désormais à nouveau traitées selon les procédures classiques (voir la communication à ce sujet sur le site de l’Office des étrangers).

La cabinet annonce que la flexibilité sera de mise par rapport aux documents exigés mais que, conformément à la loi, les demandeurs doivent démontrer les difficultés à répondre aux exigences (légalisations…).

Au-delà de cette affirmation de principe, les questions posées par les participants révèlent un grand nombre d’incertitudes qui devront encore être levées et auxquelles le cabinet a déclaré être attentif :

  • Qu’en sera-t-il pour les personnes qui ne disposent pas d‘un passeport biométrique ? Pourront-ils simplement déposer une taskara (carte d’identité afghane) ? Le cabinet n’a pas encore de réponse à cette question.
  • Quid pour les personnes qui devraient se faire rejoindre mais ne disposent pas d’ assez de revenus (notamment en raison du Covid) ou qui ne peuvent prouver disposer d’un logement adéquat ? La majorité des demandes concernent des femmes seules avec des enfants restés en Afghanistan et il semble incongru et impossible de contraindre le père/mari résidant en Belgique à louer pendant les mois de la procédure un grand appartement qu’il occuperait seul. Le cabinet répond que c’est pourtant ce qu’exige la loi.
  • Il est extrêmement difficile et dangereux pour les Afghans en général mais plus encore pour les femmes afghanes seules avec enfants de se rendre au Pakistan pour y introduire une demande de visa. Il est donc demandé au cabinet si il est prévu d’organiser l’introduction des demandes au départ de la Belgique pour faire face à cette situation qui s’apparente à une force majeure. Le cabinet répond que cela n’est pas possible actuellement, que la question concerne aussi d’autres pays que l’Afghanistan et qu’il n’y aura pas de réglementation particulière pour l’Afghanistan. Le cabinet reconnaît par ailleurs que les délais de la procédure sont très longs. Des renforts en personnel seront envoyés au consulat à Islamabad
  • Même si une souplesse par rapport aux documents à déposer est annoncée par le cabinet, plusieurs intervenants indiquent que ces instructions ne semblent pas encore être appliquées par le consulat à Islamabad ou par les sociétés privées chargées de réceptionner les demandes et de les acheminer vers le consulat.
  • A défaut de possibilité d’introduire les demandes au départ de la Belgique, il est demandé si il est possible d’introduire les demandes de regroupement familial de façon digitale auprès du consulat. Le cabinet n’a pas encore de réponse à cette question précise mais le HCR soutient la proposition. Le cabinet indique qu’une réforme du regroupement familial est en cours. Elle avancera probablement cette année encore, indépendamment du code sur la migration.

Concernant les visas humanitaires pour la suite, en dehors des opérations d’évacuation clôturées, une attention particulière sera réservée aux profils à risque et aux personnes ayant des liens avec la Belgique.

Concernant la réinstallation, la Belgique sera ambitieuse conformément à la déclaration de politique générale mais aucune procédure spécifique ne sera organisée pour l’Afghanistan.

L’instauration de corridors humanitaires n’est pas à l’ordre du jour.

En ce qui concerne l’asile, on constate actuellement une forte augmentation du nombre de demandes. Le cabinet rappelle que le règlement Dublin est toujours d’application. Plusieurs intervenants posent la question du sort réservé aux demandes multiples, vu le changement radical de situation en Afghanistan.

Brève analyse

Au-delà de la bonne volonté affichée par le cabinet et du caractère positif du dialogue instauré, force est de constater que les réponses concrètes actuellement apportées par le cabinet sont très en-decà des demandes portées par une longue liste d'ONG internationales.

Elles sont également en retrait de ce qu’impose le droit de l’Union européenne et notamment les arrêts Parlement c. Conseil du 27.6.2016 et E. c. Staatssecretaris du 13.3.2019.

Le premier arrêt rappelle que le regroupement familial constitue un droit. Le second concerne l’hypothèse dans laquelle le demandeur de regroupement familial n’est pas en mesure de  déposer l’ensemble des documents requis et l’obligation pour l’Etat de prendre en compte la situation spécifique du demandeur. Ces arrêts consacrent des droits et non des faveurs. La communication figurant actuellement sur le site de l’Office des étrangers (« Pour les personnes qui souhaitent venir en Belgique, les procédures de séjour normales s'appliquent selon les règles en vigueur aujourd'hui ») mérite certainement d’être revue, tant en ce qui concerne le mode d’introduction de leur demande, que les exigences documentaires.

Et cette modification de la communication passera, d’abord, par une meilleure prise en compte de la jurisprudence de la CJUE.

A n’en pas douter, ce débat est loin d’être clos.

Pierre Robert, 
Membre de la commission de droit des étrangers d’AVOCATS.BE

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